Nouvelles de Dino Buzzati, mise en scène de Xavier Jaillard, interprétées par Grégori Baquet.
Les nouvelles que Dino Buzzati, écrivain, peintre et journaliste italien, né au début du 20ème siècle, et éminemment connu notamment pour son œuvre phare "Le désert des Tartares", écrivit pendant une longue période de sa vie et qui parurent dans la presse, constituent un riche corpus testamentaire qui tient à la fois du recueil de contes modernes fantastiques et du condensé élémentaire de la métaphysique d'un homme nourri de philosophie existentialiste.
Sous le titre d'une des nouvelles, "Le K", dont le personnage principal est un chimérique animal totem à la manière d'un Moby Dick, Xavier Jaillard a conçu un spectacle seul en scène d'une belle qualité. Il a effectué un remarquable travail d'adaptation pour la scène non seulement par la sélection opérée, qui rend compte des différents registres de l'auteur, du cocasse au tragique en passant par le surréalisme, mais également par la fidélité à l'esprit et au ton des nouvelles qui a présidé et concouru à leur réussie réduction à un format court.
A l'image du visuel percutant du spectacle, un homme accroché à une machine à écrire qui saigne d'une encre noire, ces nouvelles transcendent par le rêve et l'imaginaire la réalité contingente et douloureuse de la finititude de la vie, la mort et le chemin dérisoire qui y mène inéluctablement, le verbe étant l'un des moyens pour en conjurer l'insupportable désespoir.
Est également à mettre à son crédit le travail de direction d'acteur pour élaborer un spectacle abouti qui ne soit ni une lecture mise en espace ni un numéro d'acteur.
En effet, dans une habile et ludique scénographie basée sur la rotation spatiale de la forme géométrique d'un K géant qui se transforme en élément de décor, du lit au cercueil en passant par le fauteuil et le bateau, et sous de belles lumières de Stéphane Baquet qui créent et ancrent des atmosphères supra-réelles sans trop les appuyer, la prestation de Grégori Baquet est éclatante.
Qu'il s'agisse de brèves narratives ou de scènes dialoguées, il révèle un vrai talent de comédien au terme d'une interprétation sobre, maîtrisée et investie qui lui permet notamment de rendre insensible ce basculement entre le réel et l'onirique qui caractérise la plupart de ces nouvelles et d'emmener le spectateur pour une traversée du miroir souvent inattendue.