Ils sont jeunes – la formation date de 2003 -, beaux et brillants et viennent de sortir leur troisième album : In this light and on this evening. Un virage tout aussi réussi que les précédents pour ces quatre Editors de Birmingham, une touche synthétique en plus. Plongée en eaux troubles Ed Lay (batterie) et Chris Urbanowicz (guitare).
Comment s'est passé l'enregistrement ?
Ed : C'était assez simple, surtout très agréable. On a eu le sentiment de s'être donné à fond. C'était assez spécial, assez nouveau parce qu'on a essayé de nouveaux instruments, de nouveaux sons et de tout mettre en boîte pour en faire des chansons. Je suis très heureux qu'on l'ait fait. On ne savait pas au début si on aurait les capacités pour enregistrer tout ceci, y compris des sons assez synthétiques, électroniques. Tout s'est bien emboîté et on a réussi à rendre l'enregistrement assez humain, assez vrai.
Que signifie le titre ?
Ed : C’est les paroles de la 1e chanson. C'est quelque chose que Tom a vécu des centaines de fois mais qui ne l'avaient jamais fait tilter et qui tout d'un coup, pour on ne sait quelle raison, prend sens. Tout le monde a déjà connu ça. On peut passer des centaines de fois à côté de quelque chose sans s'en rendre compte et d'un coup ça prend sens. A un certain moment, certaines choses a priori sans intérêt deviennent spéciales.
Est-ce que c'est la chanson la plus représentative de l'album ?
Ed : Pas forcément mais c'est celle qui a donné, le ton, sa direction à l'album en terme de son, de sens. Mais chaque chanson a son propre sens, il n'y en a pas de plus représentative que l'autre.
Pourquoi avoir choisi Papillon en tant que single ?
Chris : Car c'est la seule chanson pop de l'album. C'est la plus évidente, la plus accessible.
Ed : C'est une façon d'attirer les gens pour leur donner envie de creuser. Elle rend l'écoute possible.
Comment définiriez-vous l'identité de l'album ?
Ed : C'est difficile, il a une identité assez schizophrène. D'un côté il est assez sombre, assez maussade. Il a une ambiance industrielle, même horrible, on ne sait pas ce qui est en train de se passer. Mais il y a aussi des mélodies assez faciles, qu'on retient facilement, sans qu'elles soient non plus positives ou joyeuses. C'est à la fois agressif et charmant.
Quelle est votre chanson préférée ?
Ed : Pour l'instant, c'est Like Treasure mais ça change régulièrement. Elle est justement un exemple de cette ambiance schizophrène dont je parlais. Elle a un côté rêveur, on sait pas où on va, et en même temps, elle a un côté club. Ca peut être facile, dansant, et en même temps on se pose des questions.
Chris : You don't know love. Il y a un vrai changement de rythme, c'est pas une chanson pop classique avec l’alternance complet-refrain, en plein milieu ça change. On est surpris par le changement. Et elle sonne bien, tout simplement.
Qu'est-ce qui vous inspire ? La société, l'actualité ?
Ed : C'est difficile, je ne suis pas vraiment inspiré. Je n’ai pas vraiment de modèle en terme d'inspiration, c'est ce qui vient. Ce que j'aime avant tout c'est faire de la musique, de jouer avec ces trois-là.
Est-ce qu'il y a quand même des choses qui vous ébranlent ?
Ed : Oui, bien sûr mais avant tout ce sont des mélodies, des chansons, qui me remuent tellement que ça devient parfois difficile de les écouter. Et j'espère sincèrement que nos mélodies parviendront à remuer autant les gens que certaines que j'écoute.
Chris : J'aime mettre en musique les images que j'ai en tête et qui sont liées à des bandes-sons, à des films d'horreur par exemple, et qui lui laissent une empreinte. Ces images ont beaucoup plus d'influence que des musiques d'autres groupes. Je n'ai pas de références musicales à proprement parler.
Est-ce que vous aimeriez composer une bande-son pour un film ?
Chris : Oui, beaucoup. Je n'ai pas trop le temps pour l'instant mais si un jour quelque chose d'intéressant se présente et que j'ai du temps et de l'inspiration, oui.
Pour quel type de film ? D'horreur ?
Chris : Non plutôt pour quelque chose de réel, de réaliste, avec une certaine forme de violence urbaine, psychologique. Je pense par exemple aux films que peut faire un réalisateur qui m'inspire beaucoup, Shane Meadows. Il a notamment réalisé Dead man's shoes, une histoire de revanche et This is England plus récemment, sur les skinheads dans les années 80. J'aimerais mettre ce genre de films en musique.
Y a-t-il un message que vous voudriez faire passer ?
Ed : Non, pas particulièrement. Ce n’est pas ce qui motive notre travail. On n'essaie pas de convaincre qui que ce soit. Peace and love (rires). Ca vient selon l'inspiration.
Qu’est-ce qui vous anime ? Créer, expérimenter, simplement jouer ensemble ?
Ed : Jouer ensemble et expérimenter comme on l'a fait pour cet album en utilisant de nouveaux sons, en s'ouvrant à d'autres horizons. Essayer des instruments, des technologies qu'on n'avait jamais utilisés avant. C’était un challenge. Tout a été très intuitif, on s'est laissé aller. Ca s'est fait naturellement.
Chris : Créer. Se retrouver le matin et passer la journée à enregistrer pour aboutir à quelque chose de durable, qui marquera les gens. J’aime l’idée de laisser une empreinte, quelque chose de concret qui restera plus longtemps que nous. C'est une récompense pour moi.
Ed : Le fait de créer quelque chose, d'avoir ce possible résultat en fin de journée ça m'excite et en même temps ça m'effraie. Le live, c'est excitant, on peut faire un truc fabuleux, un moment qui laissera une empreinte dans la tête de centaines et de centaines de gens. Mais pour un album, c'est ce qu'on laisse vraiment et que tout le monde pourra écouter. Si on fait des erreurs, elles restent gravées.
Quels sont les groupes que vous écoutez ?
Chris : J’aime le nouvel album de The Horrors et celui des Maccabees. Sinon je n'ai pas été marqué par grand-chose dernièrement. Le nouvel album des xx aussi.
Ed : Pour moi c'est le nouvel album de Jamie T, Kings and Queens. Il est naturellement cool, il en jette.
Quels sont les 3 albums, tout époque confondue, que vous garderiez en mémoire ?
Ed : David Bowie, Low (1977).
Chris : Remain in light des Talking Heads (1980).
Ed et Chris : Et un dernier, commun : Power, corruption and lies, des New Order (1983).
Que voulez-vous faire après la tournée ?
Chris : A l'inverse de l'album précédent où on a eu besoin de souffler, là on se sent d'humeur créative. Ca ne me dérangerait pas d'enchaîner directement mais on a une tournée d'un an qui se profile donc ce n'est pas possible. Mais après ça, on aura besoin de se poser.
Ed : On est fiers et contents de ce qu'on a fait. On se sent capable de retourner en studio. On a ce qu'il faut. Si on était encore à l'époque des Beattles où on pouvait se débarrasser rapidement des concerts, on retournerait en studio. Mais on a besoin d'argent. Techniquement ce n'est pas possible d'enchaîner directement. C'est jouer qui nous permet de gagner de l'argent et donc de produire un nouvel album.
Comment vous voyez-vous dans 10 ans ?
Ed : Question très difficile ! Certains jours j'ai l'impression qu'on fera exactement la même chose. Mais parfois, après un concert difficile, lourd, j'ai l'impression que dans 10 ans je serai incapable de reproduire le même effort. Mais je pense qu'on sera toujours ensemble dans 10 ans.
Chris : on sera toujours ensemble. Pour pouvoir produire toujours autant, voire mieux, je pense qu'onb aura besoin de se poser un peu plutôt que se disperser comme on le fait aujourd'hui. On a encore besoin de grandir et de mûrir ensemble.
Est-ce que vous voulez dire quelque chose au public français ?
Chris : "Au revoir".
Ed : Rendez-vous au Bataclan (le 14 décembre, NDLR). |