Kevin
Coyne, que vous avez pu voir en concert avec Jeffrey
Lewis en février au Nouveau Casino lors du premier
concert Froggy’s Delight, vient de sortir– tenez-vous
bien – son 41ème album...
Pour les fans de Kevin Coyne, c’est une vraie fête
car il se présente comme un best of de ses nombreux talents.
Pour les autres, c’est le disque parfait pour découvrir
un personnage d’une créativité intacte malgré
les années et la maladie (Coyne, 60 ans, souffre d’une
maladie respiratoire – qui n’entame en rien sa voix).
Après un dur passage à vide dans les années
90 et quelques albums où il se laissait porter par des musiciens
allemands peu inspirés ou trop présents, Kevin Coyne
a retrouvé l’inspiration avec Sugar
Candy Taxi en 1999.
Aujourd’hui, Donut City est
un aboutissement. En pleine possession de ses moyens, Coyne maîtrise
parfaitement l’album d’un bout à l’autre.
Le son est dépouillé, les musiciens au service du
chant et des textes.
Le groupe est celui qui tourne actuellement avec lui : Andreas
Blüml, guitare et Harry Hirschmann,
basse (présents au Nouveau Casino), le fidèle batteur
Werner Steinhauser qui co-signe aussi
la production. Les rejoignent sur quelques morceaux Robert
Coyne – le fils – qui signe à nouveau
quelques une de ses chansons pop hypnotiques un peu inquiétantes
et l’Américain Michael Lipton,
superbe guitariste, qui clôt l’album en frappant sur
la reverb de son ampli.
Mais le héros, c’est Coyne. Le chanteur à
l’incroyable voix, le songwriter aux textes personnels, dérangeants,
effrayants ou carrément fous. Il a composé plusieurs
titres au piano ; il a une façon très personnelle
de jouer du piano. On le compare parfois à Beefheart, parce
qu’ils ont tout deux l’air aussi dingues l’un
que l’autre (mais Coyne est tout sauf fou) et c’est
vrai qu’il joue du piano comme le Captain jouait du saxophone...
Musicalement, on passe par toutes les facettes de son talent :
des blues-rock acoustiques avec son célèbre jeu de
guitare rudimentaire, "No More Rain"
une espèce de ballade country-pop qui rappelle son vieux
"Marlene" puis on saute en
plein délire avec l’angoissant "I
Hear Voices" ou dans la pure folie de "Come
Back Home" , prière gospel accompagnée
à coup de poings sur un piano saturé.
Sans oublier "Big Fat Bird"
avec une des spécialités coyniennes, la voix qui répète
en arrière-plan comme une rythmique la même phrase
pendant toute la chanson et qui rappelle l’inoubliable "Mona
where’s me trousers" . "Crocodile"
est une métaphore de sa maladie.
Enfin "Smile Right Back",
un superbe titre, digne de Beautiful Extremes
etc, son album acoustique des années 70. Toutçca
échappe à toute possibilité d’étiquetage
: c’est du Kevin Coyne, ça va du blues à l’avant-garde
sans crier gare.
Comme pour tous ses albums, Coyne improvise en studio, la musique
comme les paroles. Les musiciens enregistrent donc leurs parties
après le chant. Le monde à l’envers.
Il l’a souvent chanté : "I’m
Still Here !" . Il est oublié, il joue dans de
petites salles et vend peu de disques, il s’en fout. Il est
conscient de sa valeur. Il continue. Il est au sommet de son art.
Laissez-vous entraîner.
|