"Maman, viens me chercher !" hurlerait l’auditeur imprudent, quelques minutes après avoir déposé sur sa platine, le vénéneux troisième effort des américains de Pissed Jeans. En effet, ce groupe originaire de Pennsylvanie n’est pas du genre à se détendre en musique après le copieux déjeuner hebdomadaire chez les beaux-parents. Eux sont plutôt du genre en colère, ivres, prêts à en découdre à coups de batte de baseball ou de chaînes de vélos. Dans une ambiance glauque, moite, proche des rades miteux ornés de vomi sortis de Hype !, ce mythique long métrage retraçant l’explosion du mouvement grunge à Seattle à la fin de années 80. On se remémore d’ailleurs émus le pugilat provoqué en plein cagnard lors de leur prestation à Primavera 2008.
Deux ans après Hope For Men, le cauchemar recommence donc avec ce disque coup de poing, débarrassé des lourdeurs de production des précédents avec l’aide d’Alex Newport (At The Drive In, Sepultura). Musicalement, Pissed Jeans trouve ses racines dans le hardcore américain des années 80 (au hasard Black Flag…), l’impérissable hard rock seventies et ses riffs dégoulinants (au hasard Black Sabbath…) pour donner naissance à une sorte de grunge à rapprocher de Flipper, des Melvins ou de Soundgarden (époque Louder Than Love). Pas franchement une surprise dans ces conditions de les retrouver chez Sub Pop malgré les orientations récentes plus folk du label. Nécessité de réinvestir les royalties récoltées avec les Shins et Fleet Foxes ou volonté d’assurer une continuité avec les artistes ayant fait sa légende ?
Au-delà de la lourdeur écrasante et de la brutalité des instruments, la sauvagerie inouïe de Pissed Jeans doit beaucoup à son chanteur désabusé, Matt Korvette, rappelant souvent David Yow (Jesus Lizard). Lequel étant également responsable de ces sombres paroles, sorte de rage adolescente éructée par un homme refusant l’âge adulte, son mode de vie et ses contraintes.
Au final, King Of Jeans pourrait se résumer de façon simpliste à une agression ininterrompue de quarante minutes avec ses réussites ("False Jesii Part 2", "Dream Smotherer" et "Dominate Yourself"), son unique et bref moment d’apaisement ("Request For Masseuse") et son inévitable moment de bravoure ("Spent").
Avec le temps, on avait perdu l’habitude de ces disques aussi radicaux que datés rappelant l’impression procurée par un set de Mudhoney en 2009. Pourtant s’y replonger s’avère aussi excitant que jouissif. Tout à fait jubilatoire parfois également. Dommage que la pochette soit aussi laide qu’inefficace malgré une bonne dose d’ironie. |