Il est des disques qui ne s'annoncent pas, que rien ne permet de voir venir. Avec son nom un peu toc et sa pochette digne d'un remake en bleu et noir de celle qui ne payait déjà pas de mine à l'affiche du grandiose Cosmos Factory, ce Girouette en fait certainement partie. Pas de grands effets de manches médiatico-catchy. Pas de buzz ni de mass-promo. Pas de twitt-flooding ni de management raisonné du scandale agencé. Tout à l'inverse, dès les déchirures de l'implacable rythmique de "Alphabet", déjà publié en EP il y a quelques mois et revenu pour fournir à l'album son ouverture, ça n'aura jamais d'autre air que celui, presque banal, de ce qui est si naturel (mais non pas l'inverse). Autant dire : l'air de ces albums qui ont tout pour devenir, instantanément, l'un de vos classiques, disques de chevets que l'on partage avec entrain.
Autant dire qu'avec ce premier album, publié par le remarquable label associatif Greed Recordings (Action Dead Mouse, Cornflakes Heroes...), General Bye Bye place la barre très haut et s'impose comme l'une des rares formations françaises à pouvoir tutoyer les géants du rock indépendant US. Comme, il y a pas loin d'un an, l'excellent Dreamer are you sad ? de Poor Boy (YY recordings, juin 2009), Girouette fait partie de ces albums français qui dépassent et rendent totalement caduque la question de savoir pourquoi certains éprouvent le besoin de chanter dans une langue qui n'est pas la leur. General Bye Bye parle couramment la langue du rock, un point c'est tout – avec un rien d'accent frenchy, il est vrai, mais qui aurait plutôt quelque chose de sexy.
Et quitte à voler dans les hautes-sphères d'un continent qui fait encore référence en la matière musicale, c'est à l'un de ses plus grands noms que General Bye Bye va se confronter, tant son ton, son timbre et même son sens des constructions pop complexes et fragiles toutes d'arpèges de guitare nerveux renvoient à Blonde Redhead, ce qui n'est pas peu dire. Jusqu'à cette mélancolie de fête foraine si particulière qui teinte son rock – mais de ces fêtes foraines véritables, celles que ne voient que les yeux de l'enfance, qui ne sont que merveille et enchantement ; et non l'un de ces sordides rassemblements de manèges bruyants et de grasses fritures dans lesquels des adultes désabusés vont étourdir leur lassitude.
Mais loin de s'enfermer avec application dans cet univers créé par d'autres, General Bye Bye en esquisse bien un qui lui est propre, dans lequel règne une folie supplémentaire, qui se traduit par les directions parfois inattendues dans lesquelles bondissent les morceaux (on n'est pas toujours très loin d'une certaine coloration math-rock, comme le révèle clairement l'éponyme "Girouette" avec ses structures alambiquées), dans l'utilisation d'instruments inattendus (comme le kantele, harpe traditionnelle finlandaise). C'est qu'on pourrait bien retrouver en coulisses l'influence de Can ou Erik Satie, sources d'inspiration revendiquées de Philippe Beer-Gabel, le fondateur de la formation.
En résultent douze titres (dont un caché) d'excellente facture, parmi lesquels "Alphabet", "The neverending trip" ou "Don't shoot the rabbit" tiennent le (très) (très) haut du pavé. De ces albums qui rassurent sur la capacité des formations françaises à suivre le rythme d'une authentique créativité rock contemporaine. |