Ben l’oncle soul fait le pari un peu fou de la soul à la française. Avec ce premier album éponyme, l’ambition est clairement affichée : de la soul, rien que de la soul, encore et toujours. Ambition fort louable, mais comment adapter ce style musical à la langue française (en imaginant que cela soit possible !) ? Intrigante question et courageuse réponse qu’essaie d’apporter le jeune homme avec ce disque.
Avec la volonté délibérée de sonner et sembler oldies (but goodies) (il suffit de voir le visuel adopté sur la pochette ou le site internet), Ben active la machine à remonter le temps pour nous amener cinquante ans en arrière de l’autre côté de l’atlantique.
Presque curieusement, ce revival de la soul ne nous vient pourtant pas d’Amérique mais d’Angleterre avec une certaine Amy Whinehouse comme fer de lance. Des chanteurs à la voix soul en France on en connaît mais il est rare que la musique suive avec autant de fidélité le style. Ici, c’est revendiqué et pleinement assumé.
Mais cependant, se refusant à trancher catégoriquement, Ben, pour son premier album coupe la poire en deux et sur quatorze titres en assure huit en français et six en anglais dont une reprise.
Nonobstant le problème avec la soul, c’est qu’à la fin ça tourne légèrement en rond. On y trouve un peu toujours les mêmes plans, les mêmes gimmicks aux cuivres et il faut bien tout le génie des grands soulmen pour réinventer la chose à chaque titre.
De plus, tellement de grands standards ont été crées pendant les années fastueuses que l’on ne peut difficilement s’empêcher de trouver dans chaque chanson actuelle des similitudes avec tel ou tel titre d’un Otis reading, Sam cook ou autres Ray Charles.
Le jeune homme, originaire de Tours, n’en est pas à son coup d’essai. Il a déjà sorti un EP de reprises, Soul Wash réarrangeant notamment Katy Perry et The White Stripes à la sauce soul. L’incontournable "Seven nation army" qui a passé l’audition avec succès, se retrouve également sur cet album et en est d’ailleurs le premier extrait à passer sur les ondes. Ce dernier est un fort élégant cover qui s’aventure vers des contrées sixties avec craquement vinyle en prime. Joli, mais pas forcément représentatif du reste du disque.
L’album s’ouvre sur "Soulman" où Ben fait sa déclaration de foi. Voix Soul, chœurs, cuivres, guitare pointilleuse, tous les ingrédients sont là pour faire tout comme. On retrouve tous les plans habituels de la soul, "Lise" la ballade langoureuse au tempo lent comme un "I’ve been loving you" , "Demain j’arrête" un peu plus swing, "Petite sœur" basse en avant, orgue Hammond en prime, avec une accélération tendue à la "Try a little tenderness". Mais aussi "Mon amour" à l’intro cordes qui s’assume en tant que guimauve sucrée ou "Elle me dit" qui s’accapare un tantinet un groove funky.
Côté anglais, on trouve une pointe de reggæ sur "I dont’ wanna waste" , "Ain’t off to the back" s’avère plus funky et "Lose it" bien qu’assez convenu se révèle néanmoins parfaitement entraînant. Le tout est porté par un son bien propret qu’on peu entendre sur les productions anglaises surfant sur la vague du genre et du coup, bien que très efficaces, les titres chantés en anglais manquent un peu de personnalité propre.
Alors qu’à la première écoute les titres anglais prenaient l’ascendant, la tendance se retourne peu à peu. Le résultat n’a pas à rougir de la comparaison qui pourrait être faite avec nos voisins spécialistes d’outre manche, et finalement ce sont bien les titres français qui semblent le plus originaux. Les quelques réticences de puristes dues la langue sont sans contestation balayées et on se laisse embarquer. Agréablement désuet, la motown n’est pas loin, tellement proche en fait que la signature s’est faite sur sa filiale français. La French Soul existe donc, je l’ai rencontré. |