Après une brève et relativement confidentielle carrière solo, Luke Temple s'est finalement fait remarquer en sortant, en 2009, un album sous le nom d'Here we Go Magic. Un an après, la formation revient, muée en authentique quintet avec un deuxième album au titre un peu dérisoire : Pigeons.
Rats volants ou voyageurs messagers, les pigeons ici en question ne livreront pas leur secret. Here we go magic livrera en revanche trois quart d'heure d'une musique bien dans l'air du temps, pour le meilleur et pour le pire : baroque, multiforme, complexe, traversée de sonorités aussi étrangères les unes aux autres que l'électro-minimaliste, des rythmiques tribales, une pop brooklynienne d'aujourd'hui, une saturation un peu âpre, une écriture finalement très 60's, des mélodies de guitare qui louchent vers le surf-rock, un chant aux lignes indisctinctes, plus centrée sur la voix elle-même que sur ses accents, le tout coulé dans une production très travaillée, qui sent plus le produit de synthèse que l'authenticité vintage.
C'est aussi ça la musique des années zéro qui s'achèvent en cette dixième du millénaire : des directions explosées, des assortiments osés. Certainement notre façon de consommer la post-modernité et de jouir des possibilités techniques énormes qui sont mises à notre disposition. Reste ouverte la question de savoir si une telle musique n'est pas d'abord un moyen pour le musicien lui-même de se faire plaisir, indépendamment de l'auditeur possible. Autoproduction, autotunes, autopromotion, autofiction – automusique ?
A entendre un album comme celui-ci, en effet, on devra bien reconnaître un ensemble de qualités techniques. Mais qu'en est-il de la création véritable ? Quel souffle, quelle inspiration portent un album comme celui-ci ? Comme auditeur, je m'ennuie, la plupart du temps, face à ce Pigeons (il y a bien quelques minutes de plaisir, mais pour quels terribles moments d'indifférence), ou n'y trouve que le plaisir que je pouvais avoir, enfant, dans un musée de curiosités.
Un groupe de plus – et c'est peut-être même déjà bien assez. |