"J'écris pour me parcourir" dit Henri Michaux. Nous sommes dans cette veine avec Thibaut Derien. Une écriture du détail, de l'introspection, avec un mordant ironique et un humour qui maintient la tête hors de l'eau. Il est question du temps, des rêves, de la fumée et surtout des mots.
Un petite phrase que ne renierait pas les étudiants des barricades : "quand je gagne ma vie, je perds mon temps", extrait de "Le poil dans la main".
Ce qu'on dit tous tôt ou tard, et même tous les jours, voire plusieurs fois par jour. C'est triste de se résigner, c'est encore ce que je lis dans les yeux vairons d'Arthur...
Thibaut Derien nous renvoie nos démissions, nos abandons quotidiens, nos petits arrangements avec la vie. Une parole de poète qui remplace la vitesse du Spectacle par l'ennui d'une longue journée sans programme.
Où on est ravi de croiser des voisins, des invités haut de gamme : Clarika qui l'aide à repeindre ses névroses en rose, François Hadji-Lazaro qui s'est tranformé en "acouphène"... pas mal trouvé, Bertrand Louis à la réalisation. Faut-il en conclure qu'ils ont des hématomes crochus pour citer un bon mot du titre "Peintre en sentiments" ?
Ce qui les rassemble, c'est probablement cet humour, et la curiosité musicale : repousser les limites, essayer un instrument puis un autre, rien que pour voir ce que ça peut donner... Un côté cirque, saltimbanque, fanfare fatiguée, l'âme slave par endroit et le goût de l'absurde.
L'artiste s'inspire de ses petits secrets, de ses petits drames, retourne sur les lieux de son enfance, entre imaginaire et révolte et voit le bout du tunnel dans une rue du quartier Pigalle, "Rue Germain Pilon". Communauté à la marge, désir de transcendance.
Un disque hors pair, qui ne cède à aucune facilité, qui ne s'épuise pas à la deuxième écoute, douze titres en suspension. Allez, Français, encore un effort, Le Comte d'Apothicaire de Thibaut Derien, Disque D'Or.
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