Comédie de Sacha Guitry, mise en scène de Michel Fau, avec
Julie Depardieu,
Michel Fau,
Xavier Gallais,
Brigitte Catillon,
Sissi Duparc, Roland Menou et
Davy Vetter.
Même s'il ne fait pas toujours l'unanimité, Michel Fau est un comédien exceptionnel, hors normes, un des rares de sa génération capable de faire le grand écart entre l'opérette et la tragédie antique en passant par la revue de music hall dont il était le héros dans "L'impardonnable revue pathétique et dégradante de Monsieur Fau".
Aussi rien d'étonnant à ce qu'il présente "Nono", oeuvre de jeunesse écrite en 1905 par Sacha Guitry - et dont l'affiche à la Mucha donne le ton - dans son jus, mais sans la naphtaline, avec l'addiction de la Belle Epoque à l'opérette et à la comédie de variété, qu'il rehausse d'un clin d'oeil appuyé, comme les yeux des comédiens cernés de noir par Pascale Fau, au cinéma muet avec quelques arrêts sur image.
C'est dans deux décors pop-up composés de panneaux d'images-chromos, un cabinet particulier de restaurant rococo et un paysage bucolique de villégiature normande, conçus par Bernard Fau, que va se dérouler cette délicieuse comédie de moeurs légère comme une bulle de champagne.
Le personnage titre est une jeune et jolie cocotte, grue atavique de mère en fille, évaporée, coquette et frivole, qui veut vivre une fête incessante et qui sait comment mener les hommes par le bout... du nez en n'exigeant ni ne promettant rien mais sachant faute de grives se contenter de merles. En devenant successivement la maîtresse de deux amis, un jeune célibataire bambocheur et un poète dilettante et gigolo amateur lassé d'un "collage conjugal" avec une veuve aussi riche que jalouse, elle est l'élément pivot de cette déclinaison au carré du trio vaudevillesque.
Les personnages vêtus, par David Belugou, de costumes gravures de mode digne de l'Illustration, se meuvent de façon totalement théâtralisée. Michel Fau, prend de poses de diva, Julie Depardieu, sautillante comme un oiseau, est parfaite - plus vraie que nature ? - en fausse évaporée, Xavier Gallais se déplace à la Woody Woodpecker et Brigitte Catillon, en vieille maîtresse titubante sous de véritables constructions chapelières et dans une tournure entravée, vitupère avec la voix de Sylvie Joly quand elle a mal digérée la mousse au chocolat.
Côté ancillaire, l'opéra bouffe est de rigueur même si, entre le coursier échappé de chez la famille Adams (Davy Vetter) et la dodue cuisinière normande en costume régional qui fait voltiger son panier d'oeufs heureusement bien collés (époustouflante Sissi Duparc), le petit valet de chambre pragmatique (Roland Menou désopilant) est campé de manière bien réaliste.
N'empêche que le verbe, l'humour et l'esprit de Sacha Guitry, déjà aigu et décapant sur les rapports hommes-femmes, n'en sont pas altérés. Au contraire, ils pétillent et claquent d'autant plus avec la scansion singulière de Michel Fau qui maîtrise l'art de la déclamation tempérée et entraîne, dans une mise en scène primesautière, une joyeuse troupe qui prend manifestement plaisir à être sur scène.
Le spectacle est irrésistiblement jubilatoire et le divertissement assuré.
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