Il y a des gens qui ont un carnet de bal à en faire pâlir quelques uns d'envie. C'est un peu le cas de David Sanson, fondateur et moteur de That summer depuis 1994. En une quinzaine d'années qui l'auront mené du projet solo pseudo-gothico-minimaliste Drowsiness of ancient gardens au quartet rock de ce Near miss, l'homme aura en effet eu l'heur de côtoyer toute une cohorte de musiciens aussi délicieux qu'inconnus des plateaux des chaînes de télévision qui, c'est un fait, sont à la culture ce que l'élevage en batterie est à la gastronomie.
On peut ainsi citer : Pierre-Yves Macé, Bernd Jestram (Tarwater), Philippe Tiphaine (Héliogabale), Olivier Manchion (Ulan Bator), Gilles Tordjman, Malcolm Eden (McCarthy, Herzfeld), l'excellent Sylvain Chauveau, Olivier Cavaillé, Jean-Michèl Pirès et Nikolu Jorio (de Louisville), Etienne Bonhomme (Innocent X)... Beaucoup d'entre eux se retrouvent d'ailleurs convoqués, en chair, en os, en ingénieur du son ou en esprit, pour réaliser ce Near Miss – et faire en sorte que jamais That summer n'ait autant mérité le nom de groupe.
Il y a en effet dans ce nouvel album comme l'aboutissement d'un parcours. Une écriture plus mûre, qui capitaliserait enfin ses propres expérimentations, ses essais, ses rencontres, ses différentes trajectoires, pour s'offrir un album à l'écriture homogène mais aux nuances riches. Première réalisation collective pour un quatrième album, et certainement un essai aussi immédiatement transformé.
Ici le son est direct, rock, parfois rêche. On songe à Belone Quartet autant qu'à un Depeche Mode qui aurait renoncé à passer à la radio il y a quinze ans déjà ; on sent l'influence du post-rock s'allier à une tentation mélodique palpable ; le goût pour les voix hypnotiques rappelle la proximité de la nébuleuse cold-wave / post-punk (en atteste la reprise du "All cats are grey" des Cure, peut-être un peu sage, mais tout de même réjouissante), dans le même temps que les touches d'électronique arrachent les compositions à trop d'obscure pesanteur.
Comme souvent avec That summer, les neuf titres (pardon : huit titres plus un neuvième, en piste dix, qui n'appartiendrait pas directement à l'album) sont reliés par des interludes aux allures de fondus-enchaînés musicaux plus ou moins abstraits, qui finissent de donner à l'ensemble sa cohérence. Résultat : l'album s'écoute véritablement d'une seule traite, sa concision permettant d'éviter toute redondance, de rester au plus près de l'os, pourrait-on dire. Une belle réussite. |