Monologue dramatique écrit et mis en scène par Alejandro Jodorowsky d'après une nouvelle de Franz Kafka, interprété par Brontis Jodorowsky.
Dans "Rapport pour une académie", Franz Kafka prête sa plume à un gorille qui raconte son destin de singe violemment capturé destiné à végéter dans un zoo qui, doté d'une solide intelligence et d'un sens aigu de l'opportunité salvatrice, a su devenir un artiste de music hall, atteindre le niveau d'éducation moyenne d’un Européen et accéder, d'une certaine manière, à la condition humaine par le biais d'une insertion tolérée dans la société.
Une condition sur laquelle il pose, avec le temps, un regard plus que dubitatif et le conduit à une réflexion existentielle au regard des concessions et renoncements, notamment au regard de la liberté, qu'elle implique.
Sous le titre "Le gorille". Alejandro Jodorowsky, romancier, scénariste, poète et réalisateur, homme nomade qui a connu les affres de l'émigration, en propose l'adaptation pour la scène en actionnant le levier de l'humour tragique pour mettre en exergue la problématique de la victime absolue, qui est celle de tout individu différent, quelle que soit cette différence, que la société n'intègre jamais totalement.
Son fils, le comédien Brontis Jodorowsky, a eu envie d'interpréter ce monologue, dans lequel il trouve une similitude avec le cheminement de l'acteur, pour retrouver le travail du mime abordé lors de l'apprentissage de son métier.
Ce qui illustre les différents niveaux de lecture d'une nouvelle qui est considérée comme un texte de résilience par lequel l'auteur évacue, par la sublimation littéraire, et dans une déclinaison symétrique du procédé récurrent de la métamorphose qu'il affectionne, son angoissante relation père-fils révélée quelques années auparavant avec "La métamorphose". Intéressant aussi que ce soit un autre couple père-fils qui s'y retrouve.
Sous le regard, en fond de scène, de figures emblématiques du début du 20ème siècle, de Darwin à Schopenhauer en passant par Pierre Curie, Henri Bergson et Juan Guisal, en costume, frac, guêtres et chapeau claque, habilement grimé, maîtrisant parfaitement la gestuelle simiesque telle qu'elle se manifeste chez les primates domestiqués, Brontis Jodorowsky délivre une prestation sans faute, sans verser ni dans la caricature, ni dans le pathétique, sans jamais fermer le sens pour les spectateurs et avec une très grande qualité de diction du texte. |