Réalisé par Apichatpong Weerasethakul. France, Grande-Bretagne, Espagne, Thaïlande, Allemagne. 2010. Drame. Avec Thanapat Saisaymar, Jenjira Pongpas et Sakda Kaewbuadee.

Depuis 5 ou 6 ans, on ne sait plus quoi penser des films qui ont décroché la Palme d'Or. Du documentaire politique rentre dedans (Fahrenheit 9/11) ou social (Entre les murs) au film ultra réaliste (L'enfant des frères Dardenne, un peu les chouchous de la croisette), en passant par le film récompense (Le jour se lève de Ken Loach n'avait rien d'exceptionnel m'enfin Len Loach la "méritait" depuis tout ce temps).

Ah, j'oublais celle de l'an dernier, donnée à un film plombant, d'une noirceur absolue (Le ruban blanc), à faire suicider tout un régiment de légionnaires. Son auteur : Mickael Haneke, dont l'actrice fétiche n'est autre qu'Isabelle Huppert, alors présidente du jury cette année là, bref... Alors que le grandiose Un prophète (quelle claque, ce film !), encensé, aurait dû à l'unanimité générale (sauf celle du jury) repartir avec le sésame.

Qu'il semble loin le temps où l'on récompensait des chefs-d'oeuvre de mise en scène et de folie comme Apocalypse Now, Taxi Driver, Paris-Texas, Pulp Fiction ou Underground.

La palme de cette année, Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, film du Thailandais Apichatpong Weerasethakul qui a remporté le trophée à la surprise générale. Sur le papier, cette histoire de fantômes et de réincarnation à travers la vision d’un homme dont la fin est proche a tout d’alléchant, d’autant que le président du jury cette année est Tim Burton, ce qui laisse présager film bien barré comme il faut.

Plus qu'une Palme d'Or, une palme d’air - frais -, exotique. J’imagine quelque chose d’un peu fantastique, un peu métaphysique, et puis le film est asiatique, ce cinéma du bout du monde si riche, si percutant et original, à l’image de la production sud-coréenne du moment.

La première scène du film me laisse perplexe, long plan sur un buffle, à l’arrêt, en mouvement, le genre documentaire animalier... une dizaine de minutes quand même. Plus tard, la scène du dîner va nous éclairer un peu, ou pas. Lors du repas de famille, Oncle Boonmee voit apparaître son ex femme disparue soudainement (bel effet d’hologramme), mais son intendante et son cousin la voient aussi ?

Puis débarque son fils, ressemblant à un singe (on dirait plutôt qu’il est déguisé en singe). En soi, la scène est intéressante, sont-ce des visions ? S’agit-il de réincarnations ? Mais le rythme est lent, très lent, les conversations brouillonnes, et puis la qualité de l’image déçoit un peu. Bientôt on suit les activités familiales - la récolte du miel - lors d’une séquence interminable où l’on apprend rien.

A vrai dire, je ne vais jamais rentrer dans le film, la faute peut-être à une mise en scène un peu basique, un manque de rythme, des dialogues primaires. Le réalisateur nous entraîne dans son schéma de questionnement sur la réincarnation, mais oublie en route le récit, joue sur l’aspect surréaliste de certaines séquences mais sans construction, ni cohérence.

Une scène illustre bien ce ressenti, lorsqu’une princesse converse avec un poisson, qui la pénètre ensuite (il faut reconnaitre à la scène une certaine poésie). Faut-il y voir une projection du futur où Oncle Boonmee est devenu un poisson ?

En étant positif, on pourrait dire qu’Apichapong se prend pour Lynch avec cette dose de mystère et de surréalisme dans cette histoire où il faut recoller les morceaux mais il est loin d’avoir la maîtrise de mise en scène de l’américain et son talent pour maintenir le spectateur en haleine.

Ce film méditatif aux contours "un peu" fantastique m’a surtout semblé soporifique, ennuyeux et après tout, peut-être n’ai-je rien compris. Ce thème de la réincarnation faisant partie de la culture asiatique, Oncle Boonmee, renforcé par la Palme, est en probablement en passe de devenir un chef-d’œuvre à l’autre bout du monde.

Enfin bon, voilà encore une Palme d’Or si ce n’est discutable, très controversée.