Seul en scène écrit et interprété par Yves Cusset sous la direction de Fanny Fajner.
Jeune homme de bonne famille et docteur en philosophie, Yves Cusset a avalé la natale cuillère d'argent qu'il avait dans la bouche et quitté un avenir semé de pétales de roses pour embrasser l'incertaine condition d'intermittent du spectacle et jouer les funambules sur le fil du solo humoristique qui mène vers les cimes d'aînés prestigieux en surplombant le précipice des contemporains du sketch à gogos.
Avec son dernier opus en date, dont le titre à rallonge, "Manuel d'engagement politique à l'usage des mammifères doués de raison et autres hominidés un peu moins doués", annonce clairement la couleur, il opère une percée dans le registre philosophico-politico-humoristique pour brosser, avec la palette d'un humour tricolore - noir, saignant et jaune - un panorama édifiant de la France contemporaine.
Un panorama édifiant notamment sur les partis politiques de gauche, la majorité silencieuse, transformant le marais révolutionnaire en sages (solitaires anonymes de la gauche endormie et silencieuse), la conception franchouillarde de la grève (à chacun la sienne du genre "Du déodorant pour tous !" scandé parles usagers du métro), les sujets qui fâchent tels l'identité nationale et les sans-papiers, la dictature du consumérisme et la lobotomisation télévisuelle, dressé par son personnage factotum.
Car Yves Cusset raconte l'histoire d'un mec qui se lance dans l'écriture d'un spectacle "engagé" et dont la réflexion aboutit au désenchantement, attitude ambiante génératrice d'un immobilisme frileux, qui le conduit à s'exclure du monde pour voguer dans les contrées lénifiantes de la folie douce.
Cela donne un spectacle syncrétique, entre cabaret, stand-up et café-théâtre, dans lequel le second degré est habilement masqué par la pratique du loufoque et de la dérision, et de l'autodérision, et dont l'arme essentielle, le rire, est maniée avec pondération.
Sur scène, il subjugue parce que, derrière cet air de candeur et de folie douce et son appétence pour les mots, le nonsense et le jeu loufoque avec les mots hérité de Raymond Devos, il maîtrise l'art de la rhétorique et a incontestablement le sens de la formule dont la primeur est laissé au spectateur. |