Nina Hagen et Raymonde Howard étaient à l'affiche ce jeudi, une programmation du Rhino Jazz. Cette année, ce festival ne se cantonne pas uniquement à sa ville natale de Rive de Gier, mais s'étend sur une vingtaine de lieux éparpillés entre Saint-Etienne, Lyon et Roanne. Cette dispersion géographique justifie-t-elle le mot festival ? Quoi qu'il en soit l'appellation n'est pas encore trouvée et ce n'est pas le débat puisque ce soir, à Saint-Etienne Nina Hagen était belle et bien là !
Spectacle complet, avec un public incroyablement disparate, encore jamais croisé dans cette salle labellisée Smac, une salle pleine donc, une ribambelle de journalistes ainsi que tout le gratin musical ligérien s'étaient donné rendez-vous pour voir le phénomène... (la foire économique de Saint-Etienne se tient à deux pas du concert, je remarque). Ce soir, peut-être que quelques personnes se sont gouré de lieu. Oui, vous, le monsieur avec des jumelles autour du coup et du papier Sopalin dans les oreilles, c'est bien de vous dont je parle !
Commençons par Raymonde Howard qui avait l'honneur de jouer en première partie. Déjà en entrant dans la salle du Fil, on entend chuchoter à plusieurs reprises : "Raymonde Howard, tu connais ? Non ? C'est une petite d'ici. Ce n'est pas son vrai nom, elle chante en anglais et joue du rock... " Preuve que ses passages à la radio et un article dans Libé a fait son petit effet. Mlle Raymonde alias Laetitia Fournier débarque sur scène d'un pas rapide munie d'une guitare rouge flambant neuve, elle est toujours accompagnée à la batterie par Fab, casquette vissée sur la tête.
Je ne pense pas que cette nouvelle guitare en soit la cause mais l'on remarque que Raymonde Howard utilise moins de boucles, le concert s'en ressent de suite. Les morceaux se dévoilent mieux, avec moins de loops peut-être que l'on fait d'avantage attention au chant, aux paroles. Laetitia prend même le temps d'expliquer qu'un morceau parle de Saint-Etienne : "The Raincoats Are Here". Le public s'est agglutiné sagement devant la scène, écoute avec attention et semble en profiter pleinement. Puis arrive le titre "Almost Go Unnoticed" où Raymonde a pour habitude d'enregistrer le souffle de sa voix sous forme de boucles, ce soir ce sera également sans passer par ces enregistrements, mais en utilisant beaucoup plus de reverb. Elle en arrivera même à en perdre son souffle, et l'on en redemande !
Raymonde Howard nous joue un nouveau morceau qui est adopté de suite. Simplicité, efficacité le tout lié à une belle mélodie est donc toujours de mise. Le concert passe très vite, "Great Minds Think Alike" est le dernier morceau. Laetitia nous remercie à ça façon où "Thank you's", "Fuck you's" se mélange indéfiniment.... Un bon concert !
Il est temps maintenant de voir ce que va nous présenter Mme Nina, beaucoup de personnes dans la salle ne savent pas à quoi s'attendre, j'en fais partie et j'avais volontairement fait le choix ne pas me renseigner sur cette nouvelle tournée, m’attendant au meilleur comme au pire pour finalement me laisser la surprise au moment venu. Il est vrai que pour un grand nombre d'entre nous, sans que l'on connaisse véritablement son œuvre des années 80, elle fait pratiquement parti d'un inconscient collectif, et reste une star incontestable.
Nina Hagen débarque sur scène avec 5 musiciens au look pas du tout rock'n roll voire plutôt monsieur tout le monde. Il s'avère que Nina a toujours une incroyable pêche ! 55 ans et toujours en très grande forme. Très à l'aise et complètement décontractée, elle nous livre ses premier morceaux. La majeure partie du concert se compose de standards gospel où se côtoient entre autres des reprises d'Elvis Presley mélangées à du vieux rock/blues comme le titre "All You Fascists Bound To Lose".
Avec ce dernier album et cette tournée, Nina Hagen est chrétienne et le chante haut et fort… Tout est là. Si l'on fait abstraction de cela, il en résulte un bon concert, sincère, sans prétention. Les 5 hommes aux allures classiques qui l'accompagnent se révèlent être de véritables et supers bons musiciens. Nina Hagen chante avec une incroyable voix grave à faire pâlir Barry White, une voix souvent triturée avec deux effets différents qu'elle choisit selon les morceaux. Toute l'ambiguïté de la chanteuse définitivement chrétienne apparait avec des titres qui me plaisent davantage comme la terrible reprise de "My Way" version punk où les Sex Pistols n'ont qu’à bien se tenir et surtout le cover de Depeche Mode "Personal Jesus" qui donne le titre à son album.
Le fameux public éclectique (souvenez-vous, l'homme aux jumelles !) est très sage, écoute religieusement si je puis dire, tout cela aurait mérité un peu plus d'entrain surtout quand Nina Hagen se déchaine pour donner une couleur d'opéra-rock sur certains titres. Certainement que de nombreux fans ont été surpris et déçus ne pas retrouver ce qui a fait le mythe de Nina Hagen, et sans doute agacés par cette tournure théologique du concert. Il en résulte quand même le souvenir d'une bonne soirée loin d'être le concert de l'année mais un concert de qualité. |