Dans la famille des autoproductions minimalistes à domicile, on se souvient encore de l'irlandais Polar, de son vrai nom Eric Linder, dont le premier album, sobrement intitulé 1 (1997) et tout aussi sobrement enregistré dans une cuisine, en Suisse, à peu près seul à la guitare acoustique, détient encore certainement le record du disque le plus génialement déprimant du monde.
Il faudra maintenant également compter avec Jullian Angel.
Déjà auteur de deux albums (Melancholic ecstasy en 2004 et Life was the answer en 2007, tous deux parus chez Another Record), le français propose avec For a ghost une session "in a room" – comprendre : la capture "live" (mais sans public) d'enregistrements intimistes, acoustiques, minimalistes et réarrangés de certains de ses titres, issus des albums passés ou du prochain opus à paraître (Kamikaze planning holidays, espéré pour décembre 2010). Précisons que For a ghost ne sera disponible qu'en édition très limitée (100 exemplaires), distribuée par les très engagés Les Disques Normal.
"Ageless" ouvre l'album et donne le ton : de vrais-faux airs d'une version acoustique d'un Creep à faire passer Thom Yorke pour un pâle imitateur de Patrick Sébastien. Seul à la guitare, la voix traînante et rauque, Jullian Angel esquisse ensuite titre à titre la géographie d'une dépression sans colère, seul à la guitare ou exposé à tous les dangers d'un a capella pour "Faith (is not a bitter end)". Tourment doux, calme, dont on caresse sensuellement le visage avant de l'embrasser légèrement. Loin de l'humiliation de la résignation. Lumineusement crépusculaire. Impudique plutôt qu'introspectif, intime en tout cas. Et l'auditeur de retrouver la fascination que peuvent exercer les plus sombres des diamants noirs. Il faudra un jour s'interroger sérieusement sur la place que le malheur, les destinées brisées, la peine et ses malédictions peuvent tenir dans l'histoire de l'amour de la musique. Ce qui pousse tant d'amateurs à prendre en eux, jusqu'à les faire leurs, les notes lourdes des deuils d'autres humains. En attendant, pleurons délicieusement, main dans la main avec les fantômes de Jullian Angel. |