Quelle déception.... dure l’arrivée du troisième âge pour tous les héros de la première vague punk des années 75-77 : Joey et Dee-Dee Ramones, Joe Strummer, Lizzy Mercier Decloux, Robert Quine (il y a quelques jours) sont morts. Pour quelques exceptions - Jam, Clash - qui refusent de reformer le groupe de leurs 20 ans, combien de Sex Pistols ou de Buzzcocks qui survivent en jouant et rejouant sans complexes les brulôts écrits en une heure et enregistrés en moins de temps encore il y a 30 ans.

Tom Verlaine, le beau leader de Television, poussé par un éternel instinct auto-destructeur, a tout fait pour saboter hier ses retrouvailles avec Paris. Déjà en 1978, il quittait Television malgré la presse qui bavait d’admiration devant ses albums. Artiste jamais content, Verlaine voulait autre chose. Quoi ? Ses quelques albums solo (moins d’une dizaine en tout) n’ont jamais convaincu d’un quelconque progrès.

Vendredi au Bataclan, Verlaine fait la star... l’ampli a un défaut, la guitare ne va pas comme il faut, il s’arrête pour changer lui même une corde, interrompt un morceau pour se plaindre d’un projecteur qui le dérange... le batteur en profite pour aller faire un tour... ça discute entre les morceaux.

Quand ils reprennent enfin, c’est trop tard. La concentration, la construction du concert sont partis en fumée. On voit des gens quitter la salle ! Verlaine aura beau revisiter l’éternel "Marquee Moon" par une belle impro, on n’y croit plus. Quand il clôt la soirée par un lugubre "Good night" - le seul mot qu’il daignera adresser au public - on sait déjà qu’on n’aura pas droit au rappel et on s’en fiche.

Un rappel, à quoi bon ? Pour le voir s’enfoncer un peu plus dans la contradiction : d’accord pour le cachet qui payera les factures mais en montrant qu’il considère cette reformation comme lamentable, que son ambition n’est pas de rejouer pour la millième fois "Prove it" accompagné des cris des fans.Richard Lloyd, l’autre guitariste, n’a pas ces problèmes de conscience : ses solos de fonctionnaire sont notes pour notes ceux enregistrés en 1977 : vous voulez "Marquee Moon" , vous aurez "Marquee Moon".

Et le problème est là : si Television n’était qu’un groupe de requins venus s’enrichir, on boycotterait et on n’en parlerait plus. Mais... mais Verlaine, malgré son caractère pénible, reste l’incroyable improvisateur qu’il a toujours été. Vendredi soir, ses solos sur "Prove it" , "Marquee Moon" et surtout un incroyable "Little Johhny Jewel" étaient encore ces merveilles jouissives, ces éclats de génie brouillon et coltraniens qui – presque malgré lui – restent sa signature et valent malgré tout le déplacement.

A bientôt 60 ans, Tom Verlaine pense que jouer dans Television et venir le voir est une absurdité. Faut-il recevoir ce message et tourner la page ou espérer que la prochaine fois, peut-être...