Toute la presse musicale
parle d'un fameux power-trio français, Rhésus,
qui a remporté, au début de l'année 2004, le
concours CQFD (Ce qu'il faut découvrir) des Inrocks, opération
parrainée par Les Inrocks, Labels, Le Mouv et France Inter
Rhésus, c'est Aurélien Marie (guitare/chant)
derrière sa frange et sa voix douce, Laura
Rosello (basse/chant) au physique de P.J. Harvey et Simon
Nodet (batterie) hyperactif volubile, trois petits jeunes
passionnés et talentueux qui "en veulent" pour
imposer la patte "Rhésus". Acharnés et ambitieux,
ils ont connu la galère des concerts sans tourneur et de
l'autoproduction et veulent saisir toutes les opportunités
que leur procurera leur signature chez PIAS.
Quelle est la genèse de Rhésus ?
Simon : Auré avait un groupe et est venu
à Grenoble. Il l'a appelé Rhésus parce que
sa mère est infirmière (sourire). Moi j'avais un groupe
à Montpellier. Laura était à la fac et jouait
de la basse depuis 2-3 ans. Auré a envoyé une démo
pour un festival que j'organisais et il cherchait un batteur. Je
l'ai appelé et ça a fonctionné. Laura s'est
greffée très rapidement après. Et la sauce
a pris à 3.
Nous avons tout de suite joué en concerts
car nous avions une association grenobloise très dynamique
qui s'occupait très bien de nous. De fil en aiguille nous
avons enregistré un premier maxi avec l'ingénieur
du son du groupe Dyonisos. Nous avons tourné en France sur
une trentaine de dates. Le premier maxi comportait des chansons
d'Auré que nous avons adapté à trois. Le second
maxi sont des chansons d'Auré également mais que nous
avons travaillé à 3. Nous les avons fait pas mal tourner
en live et enregistré après. C'est un maxi qui est
en fait un mini-album puisqu'il comprend 7 morceaux.
Nous l'avons sorti tous seuls en autoproduit en
décembre 2003 et en janvier 2004 nous avons gagné
le concours des Inrocks ce qui nous a permis de signer chez PIAS.
Et PIAS l'a ressorti en national en avril. Et maintenant on défend
"Meanwhile At The Party" . Nous avons fait une quarantaine
de dates depuis janvier. Il y en a une quinzaine de prévues
jusqu'à la fin de l'été et une vingtaine de
prévue pour cet automne. Et quand nous ne jouons pas nous
répétons pour préparer un vrai premier album
qui sortira en automne 2005.
Aurélien a commencé le projet Rhésus
seul. Reste-t-il le fondateur avec ce que cela implique de position
dominante (car j’ai lu qu’il est à l’origine
des chansons) ou êtes-vous un réel power-trio comme
l’écrivent les journalistes ?
Aurélien : Dans tous les groupes il y a
toujour,s de manière volontaire ou de fait, un leader. Mais
leader ne veut pas dire grand chose. J'apporte des embryons de chansons
que j'ai composée en acoustique seul et puis chacun apporte
sa partie et les arrangements se font à 3.
Laura : Il n'y a pas de dictature.
Simon : Ce qui est important est d'avoir une bonne
chanson à la base et on essaie d'aller plus loin tous ensemble.
Ce n'est pas simplement reprendre la base acoustique, plaquer une
batterie et une basse lambda.
Aurélien : Il y a un gros boulot à
3 pour faire sonner les chansons.
Simon : Je n'aime pas trop l'expression power-trio.
Par exemple le groupe Weezer est vraiment un groupe de power pop
par définition. Tu vas voir un concert de Weezer en façade
tu prends deux grosses guitares dans la gueule, c'est waouh!. Nous
c'est pas que ça. Il y a des morceaux pêchus et puis
des morceaux très calmes, c'est assez aéré…
Aurélien : Placebo est un power trio…
Simon : Oui, carrément. Placebo c'est du
gros son de A à Z. Le mec cartonne à la batterie de
A à Z, c'est du gros big son. Nous ce n'est pas du tout ça.
Il y des morceaux énergiques et des morceaux très
calmes. Ce qui est important ce sont les nuances. Que ce soit calme
ou énergique, il ne faut pas que les gens se fassent chier.
Pourquoi une réédition de votre
mini album Meanwhile At The Party et pas d’autres titres ?
Simon : C'est une question de temps…
Laura : …car on devait le sortir nationalement
Aurélien : Dans une optique de pouvoir le
diffuser au plus grand nombre il était clair qu'on devait
profiter de l'effet CQFD …
Simon : …pour surfer sur la vague médiatique…(sourires)
Aurélien : …C'est vrai que depuis
qu'on l'avait sorti nous n'avons pas eu le temps de sortir de nouveaux
morceaux. Nous tournions beaucoup et nous nous débrouillions
tous seuls. Nous n'avions rien à ajouter au mini sauf un
petit livret .
Pourquoi un morceau caché?
Aurélien : C'est le même que le morceau
précédent mais en version piano. On l'a enregistré
mais on ne savait pas si on allait le mettre. Et nous avons été
contents du résultat. Mais comme le texte était identique,
on l'a mis en caché.
Laura : Plein de gens ne l'ont d'ailleurs pas écouté
parce qu'ils ne sont pas allés jusqu'à la fin
Aurélien : Même ma mère ne
l'a pas vu !
Et la vague médiatique?
Simon : Je dis ça toute proportion gardée.
Il est vrai que nous avons eu un papier dans tous les magazines,
Rocksound, Rock & Folk, les Inrocks. C'est super bien d'avoir
un article dans les Inrocks car il y a des groupes qui ont déjà
signé sur de gros trucs qui ont fait trois albums et les
Inrocks ne parlent toujours pas d'eux. Et nous, nous avons eu la
chance de gagner le concours qu'ils ont organisé et ils nous
chouchoutent un peu. C'est super cool d'avoir les Inrocks dans notre
poche. C'est bien pour notre public qu'on soit dans les Inrocks
même si tous les lecteurs des Inrocks n'aiment pas Rhésus.
Il y a eu un espèce de buzz entre guillemets et il a fallu
ressortir ce qu'on avait. Et puis on l'avait sorti en décembre
donc ça tombait plutôt pas mal.
Comment l’appréhendez-vous : une
récompense, une reconnaissance, une chance pour passer les
barrières de certains médias ?
Simon : C'est marrant parce qu'on avait déjà
eu quelques touches qui laissent penser que ça allait le
faire. L'année dernière, on avait eu quelques touches
avec Columbia et c'était toujours tombé à l'eau.
Et là on s'est dit : "Putain ! Ça y est ! Enfin
quelqu'un qui reconnaît ce qu'on fait. Au niveau national."
Ça fait plaisir parce qu'on n'y croyait pas. Il y avait 6
000 groupes en compétition.
C'est vous qui avez proposé le morceau
"Your smile is a commercial food" qui figure sur la compil
?
Aurélien : Nous avons envoyé ce morceau
qui est un peu électro et qui ne représente pas vraiment
tout notre univers musical. Mais comme c'était les Inrocks
on voulait envoyer quelque chose d'un peu différent car on
pensait qu'ils recevraient 6 000 démos de groupes à
guitare couplet-refrain avec un arpège au milieu…
Laura : …donc autant se différencier
Simon : C'était un peu Trafalgar. On s'est
dit on va les brosser dans le sens du poil. Un morceau de groupe
à guitare va se noyer dans le reste. On va leur envoyer un
truc un peu barré pour qu'ils se disent : Qu'est ce que c'est
que ce truc? Et ça a fonctionné !
C'était donc stratégique.
Simon : Ouais. On y a un peu réfléchi.
Laura : Cela aurait pu faire l'effet inverse C'est
quoi cette daube?
Simon : En même temps, on l'a pas fait pour
gagner CQFD. Ça s'est trouvé comme ça.
Depuis votre formation en 2001, vous avez beaucoup
travaillé et fait des concerts dans des conditions plus ou
moins bonnes, sans tourneur, en vous débrouillant seuls.
Que pensez-vous de la situation des musiciens en France du fait
de la frilosité de certains tourneurs et de certains labels
?
Aurélien : Il est toujours difficile d'accrocher
des tourneurs ou des grosses structures quand on n'est pas signé,
que le nom ne circule pas.
Simon : Le serpent se mord la queue systématiquement.
Quand on contacte un tourneur, il demande si on a un distributeur.
Si non, il faut aller voir un distributeur qui te dit : "Est-ce
que tu as un tourneur ?" Voilà le résumé.
Après on s'est dit : "OK. Puisque personne ne veut s'occuper
de nous on va tout faire de nos petites mains." Nous avons
démarché les salles personnellement et notre petit
label de Grenoble Un dimanche a placé les disques. Et c'est
bien que nous ayons eu cette démarche.
Quel a été l'apport de Un dimanche?
Simon : Un dimanche a sorti notre premier maxi
et c'est une personne qui bosse avec son téléphone
et son ordinateur dans sa chambre. C'est du tout petit, du bénévole
mais qui a bien défendu le truc. On en est très content.
Ça fait partie des marches de l'escalier.
Laura : Il est le premier à avoir vraiment
cru en à un potentiel et c'était très encourageant
d'avoir quelqu'un derrière nous !
Simon : Ce n'est pas de la même taille que
PIAS. Mais c'était cohérent avec notre développement;
Et nous avons eu un développement assez sain. Nous n'avons
pas brûlé les étapes. Nous avons bien galéré
avant de faire des vraies scènes. Nous avons fait plein de
cafés-concerts pourris avec des gars qui t'insultent. Ça
forge ! Parce qu'il y a des groupes pour qui c'est la grosse hype.
Allez les gars on vous signe et deuxième concert devant 10
000 personnes. Et les mecs savent plus où ils sont. Ensuite,
ils savent pas gérer.
Laura : Ça forge en tout cas pour la scène
!
Simon : Cela étant on le regrette pas et
on en a pas souffert vraiment, il faut pas exagérer.
Etes-vous essentiellement un groupe de scène?
Simon : Quand tu passes pas à la télé
ni à la radio, si tu restes dans ta chambre personne ne te
voit.
Le mini-album a été enregistré
en studio?
Simon : Non ! Un studio c'est 2 500 F la journée
et pour enregistrer un album il faut 3 semaines, donc tu fais le
calcul et nous on les a pas.
Aurélien : Nous avons investi dans du matériel
de studio et on nous a prêté une baraque. Nous avons
mis la batterie dans la cuisine, des tapis et des matelas aux murs.
On a eu du temps mais c'est du bricolage.
Simon : On n'aurait pas pu faire mieux avec les
petits moyens qu'on a eu. Ceci dit nous avons été
aidé par notre ingénieur du son qui est très
doué pour optimiser le matériel qu’il avait
tels que des micros qui n’étaient même pas des
micros de studio, des micros de concert à moitié cassés.
Laura : Nous avons cassé des micros aussi
!
Simon : Et ça l'a quand même fait
.
L'album ressorti par PIAS comporte donc le son
d'origine?
Simon : Oui. Rien n'a été retouché.
Mais nous avons hâte d'aller dans un vrai studio avec des
vrais moyens.
L'enregistrement en live n'est pas un but en soi?
Aurélien : C'était un enregistrement
avec de petits moyens mais pas en live. Chacun a fait sa partie.
Simon : En fait, nous avons joué tous ensemble
mais on ne gardait que la batterie par exemple.
C'est un live customisé.
Simon : C'est un live dans l'approche.
Aurélien : Et on l'a fait ainsi parce que
nous n'avions pas les moyens techniques pour nous enregistrer tous
ensemble. Par contre, il n'y a pas de copier-coller.
Simon : C'est de l'authentique.
Si vous passez en studio ce sera plus du copier-coller
non?
Simon : Non pas forcément.
Aurélien : Nous ne sommes pas des adeptes
du enregistrer au clic.
Simon : Et pis au son ça s'entend. Tu écoutes
Kyo tu sens que le mec sait pas chanter et il y a un autotune de
A à Z. C'est affreux, wah ! Jamais ça !
Vous partez pour une tournée nationale
dans d'autres conditions matérielles.
Simon : On est en plein dedans.
Aurélien : En fait, on continue sur la lancée
qu'on avait initiée et on tourne avec un petit tourneur,
celui de Syd Matters qui nous aide en parallèle à
trouver des dates. Cela sera sans doute différent quand on
aura sorti notre album que PIAS aura produit.
Simon : Pour le moment c'est encore un mélange
de pro et de bric-à-brac. Mais ça fait quand même
pas mal de concerts. Car nous faisons beaucoup de choses par nous-mêmes
comme des show-case FNAC . Les gens sont là par hasard et
ça marche pas mal. En plus ceux qui se déplacent pas
aux concerts en général peuvent voir un vrai concert.
C'est du direct, c'est pas Britney Spears au Zénith. Même
à la télé, chez Drucker, il n'y a pas un mec
qui joue, y'a pas de micro !
Avez-vous déjà des morceaux pour
l'album ?
Aurélien : Au niveau des compos, chacun
de notre côté, on a initié des choses. Il y
a plein de chansons qu'il faut concrétiser à 3. Entre
une démo acoustique et un morceau efficace à 3, il
y a du travail !
Simon : Pour nous c'est cool de se dire qu'on a
15 ébauches et qu'on est hypermotivé pour le faire.
C'est une bonne dynamique de travail. Pour l'album on aimerait bien
choisir les dix meilleurs morceaux parmi tous ceux qu'on aura terminés.
La cuisine est assez compliquée.
Avez-vous déjà une idée de
ce que sera cet album?
Aurélien : Il est difficile de le dire aujourd'hui.
Simon : S'il fallait dire quelque chose c'est que
ce sera très polyvalent mais avec la patte Rhésus,
le mélange des deux voix. Car on évolue. Quand on
a commencé le groupe on avait 20 ans, nous avons un peu plus
maintenant et ça mature.
A la base, les compos sont toujours celles d'Aurélien?
Aurélien : Oui, les trois-quarts du temps.
Après des trucs naissent lors des répétitions.
Simon : Le travail d'arrangement est collectif.
Et comme on est que trois c'est assez facile, c'est assez fusionnel.
On communique facilement même si parfois on se tape sur la
gueule. Le contraire serait trop beau et même inquiétant
si tout roulait.
Pour l'album, dont l'échéance est
encore éloignée bien que le temps passe vite, PIAS
n'a pas posé de conditions?
Aurélien : Non. On a 2-3 ans pour le sortir…
Simon : …mais on n'est pas cons quand même.
Le sortir dans 3 ans c'est ridicule. Les gens nous auront oublié.
On va être malins. Au fur et à mesure qu'on aura de
nouvelles choses on le dira, sans presser le pas : "Voyez ce
qui arrive !". De toute façon, jusqu'à la fin
de l'année on a une actu concerts. Ensuite on fera quelques
concerts si on nous propose des dates mais on se consacrera surtout
à l'album. Ce qui nous permettra de tester quelques trucs
nouveaux.
Vous le faites actuellement?
Simon : Non car on a rien de finalisé.
Physiquement, vous êtes toujours basé
sur Grenoble?
Aurélien : Oui, carrément . Et pis
c'est pas cher.
Simon : Je ne pense pas qu'on y restera toute notre
vie car c'est un peu usant. Et on est pas là à défendre
notre ville. A Grenoble, on a notre local, nos petits boulots. Paris
c'est trop cher.
Vivre de votre musique c'est un but avec Rhésus?
Simon : Quand tu fais tous ces sacrifices, c'est
un but. Tu fais pas ça pour t'amuser. Enfin, ça t'amuses
parce que cela te plaît mais pas dans l'optique de dire que
plus tard de toute façon tu feras un autre métier.
Tu y crois.
Aurélien : Tu ne fais pas ça pour
devenir riche.
Simon : Voilà. Tu ne fais pas ça
pour gagner de la tune. Mais pour pouvoir continuer de le faire
et d'avoir le frigo plein quand tu rentres chez toi. Ce que nous
aimerions l'année prochaine c'est de tourner en Europe. On
a un peu les crocs entre guillemets .
Mais de là à faire des compromis…
Simon : Non, non. On ales crocs mais on est passionnés.
Aurélien : Nous avons déjà
eu des propositions de Columbia, d'Universal qui étaient
prêts à signer si on acceptait de chanter en français
par exemple. Les gars accrochent sur tous les morceaux mais ils
disent Vous traduisez les textes en français et on peut même
vous trouver des auteurs. On demande à Miossec et il vous
écrit des textes. Non !
Simon : On ne veut pas être pris pour des
pantins. On veut tout maîtriser. Nous avons toujours faire
comme ça en autoproduit, il n'y a pas de raisons de changer.
Et le public décidera. Nous ferons tout pour que le public
nous suive.
Le public peut vous suivre en concerts mais pour
le label la vente de disque est un élément important.
Simon : Notre objectif est clairement de vendre
50 000 albums l'année prochaine. On commence à vivre
de sa musique quand on en vend 50 000. Si on en vend 10 000 c'est
une catastrophe !
Aurélien : Il a fait une école de
commerce ! (rires)
Simon : Rien n'est gagné.
D'autant que vous chantez en anglais et que vous
êtes touchés par les quotas.
Aurélien : C'est la raison pour laquelle
on va essayer de viser les marchés internationaux, notamment
la Belgique et l'Espagne qui sont réceptives à la
scène indé.
Simon : Bon c'est encore du rêve aujourd'hui.
Mais c'est une ambition clairement affichée.
Simon : Mais on ne croit pas déjà
que c'est arrivé. Dans trois jours, on va jouer à
Clermont Ferrand et on sait qu'il y aura 10 personnes dans la salle.
Qu’y a-t-il sur votre platine en ce moment
?
Aurélien : Je suis un fan inconditionnel
d'Elliot Smith et de Joseph Arthur ce qui ne transparaît pas
forcément dans nos morceaux actuels…mais peut être
dans les prochains…
Laura : Moi je ne me lasse pas d'écouter
les Smiths
Simon : Historiquement c'est plus les Pixies, Pavement,
Sonic Youth en plus barré mais dans les deux dernières
années il n'y a rien qui a fait que je l'ai écouté
deux semaines d'affilé. Il y a plein de trucs sympa mais
rien qui m'ait mis une claque.
Si vous ne disposiez que de trois mots pour caractériser
votre musique, quel serait votre choix ?
Simon : pop, rock, aérien
Aurélien : euh….euh….euh…
Laura : je dirai envolée
Aurélien : je trouve rien
Ça fait trois mots
rires
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