Comédie dramatique de Edmond Rostand, mise en scène de Gilles Bouillon, avec Christophe Brault, Emmanuelle Wion, Thibault Corrion, Cécile Bouillot, Xavier Guittet, Philippe Lebas, Denis Léger, Léon Napias, Marc Siemiatycki, Louise Belmas ,
Pauline Bertani,
Stephan Blay,
Edouard Bonnet,
Brice Carrois,
Laure Coignard,
Richard Pinto et
Mikaël Teyssie.
Cyrano de Bergerac, noble désargenté, refusant le compromis autant que la compromission, poète inconnu, voue toute son énergie à sauvegarder son panache. Fou amoureux de sa cousine Roxane, il n'a jamais osé se déclarer à cause d'un physique pour le moins disgracieux. Elle lui apprend qu'elle est amoureuse de Christian, beau camarade de Cyrano, et lui demande de protéger le jeune homme s'ils partent ensemble au combat.
Lorsque Christian avoue à Cyrano son amour pour Roxane, celui-ci, dépité, lui offre la lettre d'amour qu'il avait écrite pour Roxane sans la signer. Bergerac dit à Christian de donner cette lettre à Roxane pour la séduire. Fin lettré, Cyrano devient alors la plume de Christian qui se prend au jeu. Associant à sa beauté l'esprit de son ami, il séduit Roxane.
Ecrit par Edmond Rostand en 1897, "Cyrano de Bergerac" est d'abord joué au théâtre de la Porte Saint Martin qui programmait piécettes et mélos. Le succès massif de la pièce efface alors la subtilité du texte. La mise en scène de Gilles Bouillon au Théâtre de la Tempête la souligne. Il s'attache à donner vie et éclat à tous les personnages, signalant leurs contradictions, leurs grandeurs et faiblesses.
L'intrigue est connue de tous et de toutes et pourtant la salle vibre, s'émeut. On pleure ici et là, on rit de bon cœur. C'est là le grand succès de Gilles Bouillon. Il réussit à faire vivre un texte aussi exigeant que fin à la langue à la fois classique et chatoyante, enlevée et codifiée.
Gilles Bouillon montre l'épaisseur de Roxane, la flamboyance et la beauté de l'indiscipline de Cyrano, l'héroïsme de Christian (Thibaut Corrion vit la métamorphose de ce séducteur futile devenu héros tragique).
Emmanuelle Wion incarne une Roxane toute en relief, en évolution constante. Elle s'offre au personnage, faisant le délice de la salle, suspendue à ses lèvres. De la femme précieuse voire superficielle qu'elle est au premier acte à la douleur profonde en passant par une manipulatrice froide, brillante, inattendue, elle accompagne Roxane.
Cyrano se met en scène en permanence, joue l'héroïsme, s'amuse avec les mots. Entre romantisme et héroïsme, érudition et rébellion, Christophe Brault sert avec finesse un texte exigeant - et abondant, la moitié des répliques lui est dévolue. Il porte avec délice ce personnage-parole qui, ne manquant pourtant pas d'auto-dérision, fustige ceux qui se moquent de lui. Il fait mouche et touche, non sans panache. Il passe avec jouissance du sublime au grotesque, de l'épique au tragique et excelle dans la représentation de cette douleur qui refuse de se départir de sa fierté.
Sur le plateau s'étend un décor de bois clair à la fois sobre et ingénieux conçu par Nathalie Holt. Moderne dans son dépouillement, égayé par des effets de lumière savants, il tranche avec les costumes, somptueux de Marc Anselmi, qui, eux, évoquent l'Ancien Régime. Des pans de mur coulissent pour former tour à tour un théâtre, un jardin. Les changements de lieux accompagnent l'action sans heurts et l'on glisse du théâtre à la rôtisserie et à la scène de guerre sans même s'en apercevoir tant les différences des décors sont lissées par une esthétique commune, forte. La salle suit la troupe avec bonheur, glissant de l'intimisme de certains dialogues à des scènes collectives où les répliques fusent, les vers s'éclatent et où le rythme s'accélère, s'emballe presque, se maîtrise.
De la séduction raffinée à la farce, de la tragédie de la laideur aux scènes de grande bouffe, des chansons aux alexandrins, pas un temps mort dans ce Cyrano virtuose et baroque avec jubilation de 2h50 sans entracte. |