Spectacle créé interprété par Céline Milliat-Baumgartner avec le travail d'écriture et la mise en scène de Cédric Orain.
Du peep show glauque au divertissement pigallien pour demi-sels et touristes, du passage chaud en discothèque rurale au spectacle érotique de cabaret classieux, le strip-tease, qui se prête sans état d'âme à la géométrie variable, connaît un engouement nouveau qui tient à sa pseudo-vulgarisation avec, entre autres, le strip-tease des copines sur internet et l'entichement de la gente féminine, toutes classes sociales confondues, pour les cours de pole dancing.
Mais ce n'est pas sur le plan sociologique et/ou politique que la comédienne Céline Milliat-Baumgartner et l'auteur et metteur en scène Cédric Orain ont placé le domaine d'investigation de ce "Striptease".
En effet, en explorant le rapport troublant et ambigu de cette déclinaison primaire du diptyque voyeurisme-exibitionnisme qui permet la mise en oeuvre assumée des pulsions et des fantasmes, ils abordent les jeux et enjeux du regard en résonance avec le dévoilement du corps qui rejoint celui du comédien, pour qui le corps est un instrument, qui monte sur scène pour se montrer, s'exposer, se révéler peut-être.
Cette mise à nu prend le véhicule du corps d'une stripteaseuse néophyte tremblante de peur qui se prend les pieds dans les codes de l'exercice, raconte l'origine du strip-tease et rend hommage à ses aînées en citant leurs noms de scène souvent hauts en couleurs dans une litanie aussi érotique qu'une commémoration des morts tombés au champ d'honneur.
Et qui va aller jusqu'au dévoilement ultime pour interpeller le regardant, le spectateur, sur le mystère de la vie, conjurer cette angoisse existentielle et fascinante du néant, ce trou noir, cette origine du monde à la Courbet, et à la barre de lap dance, jusqu'à l'épuisement du corps répétant inlassablement et mécaniquement les mêmes figures.
Seule sur le plateau de la salle en étage du Théâtre de la Bastille, à peine cadrée par les objets symboliques du strip tease, magnifiquement habillée et caressée par les lumières de Jean-Claude Fonkenel, Céline Milliat-Baumgartner, sous la direction complice de Cédric Orain, livre une prestation ébouriffante dans l'investissement et l'intelligence.
Et quand elle vient saluer, fragile, fébrile, lumineuse, le spectateur comprend ce qu'est une vraie comédienne. |