Comédie dramatique de Lars Norén, mise en scène de Thomas Ostermeier, avec Lars Eidinger, Brigitte Hobmeier, Eva Meckbach et Tilman Straub.
Thomas Ostermeier confirme une fois encore l'intelligence de ses choix dramaturgiques, l'extrême qualité de sa direction d'acteur et la sagacité de sa distribution.
Après le huis-clos norvégien de "John Gabriel Borkman" de Henrik Ibsen qui avait subjugué le public de ce même Théâtre National de l'Odéon en 2009, le huis-clos suédois avec "Dämonen" de Lars Noren le calcine, le laissant complètement médusé.
Transcrite par Ostemeier cette dissection sans aménité ni espoir d'une double scène de ménage, Noren ne se contentant pas d'éclats vaudevillesques y préférant les jeux autodestructeurs, prend une allure de dévastation sans issue qui pousse les protagonistes aux confins des limites du supportable dans une débauche d'agressions verbales, physiques et sexuelles qui sonnent le glas du couple et de l'amour. Celui-ci, car amour il y a eu, il y a sans doute encore, n'est plus qu'un fantôme.
D'un côté un couple branché et individualiste noyé dans la vacuité existentielle, de l'autre un couple de parents englué dans les contingences étouffantes d'une vie de famille axée sur deux rejetons en bas âge. Même couple en dérive, même incommunicabilité, mêmes tensions nourries par les exaspérations et les refoulements, même impuissance sexuelle à peine réanimée par les fantasmes de l'homosexualité ou d'une sexualité de groupe.
Dans l'intérieur hightech à double face sur tournette conçu par Nina Wetzel, belle cage aux fauves, Thomas Ostermeier réussit non seulement, pendant les deux heures de cette pièce-fleuve, à maintenir l'intensité dramatique mais à la faire progresser de manière aussi imperceptible que continue, sans hiatus, jusqu'au paroxysme, passant du réalisme des couples disloqués et du psychologisme de ces êtres qui côtoient leurs démons à la réflexion métaphysique sur la vie et l'amour.
Pour tenir ces monstrueuses partitions un quatuor époustouflant - Lars Eidinger- Brigitte Hobmeier et Eva Meckbach-Tilman Straub - dont la technique et la qualité de jeu laissent pantois.
A voir impérativement.