Réalisé
par Romain Cogitore. France. Drame historique.
Durée : 1h26. (Sortie 5 janvier 2011). Avec François Civil, Grégoire Colin, Grégory Gatignol, Jules Sitruk, Michel Vuillermoz, Jules Sadoughi, Juliette Lamboley, Augustin Legrand et Anne Benoît.
Dans le cinéma français, qui aime pourtant inlassablement revenir aux années noires de l’Occupation allemande, la Résistance n’a pas la part belle face à la Collaboration.
On en est resté longtemps à "L’Armée des ombres", voire à "Papy fait de la Résistance". Ces dernières années, un timide mouvement s’est opéré avec des films comme "Lucie Aubrac" ou "L’Armée du crime", traitant de grandes "figures" de la résistance comme les Aubrac ou le groupe Manoukian.
Pour son premier film, Romain Cogitore propose donc quelque chose de doublement original : une plongée quasi inédite dans un maquis, et de surcroît un maquis sans héros.
Là où on s’attendrait à découvrir des hommes de fer, déterminés, conscients de l’importance de leur lutte et de ses enjeux parfois contradictoires, Romain Cogitore montre une bande de jeunes garçons à peine sortis de l’enfance, immatures jusqu’à se croire dans un camp de scouts et pas en train de défier l’ordre nazi.
Un peu comme "Lacombe Lucien" en son temps, "Nos Résistances" raconte l’histoire d’un jeune secouriste plongé par hasard au cœur d’un jeu qui s’avère meurtrier, alors qu’il n’y voyait que feux de camps et parties de ballons.
François Civil, étonnant d’épaisseur et qui, selon la formule consacrée "devrait faire reparler très vite de lui", ressemble d’ailleurs à Pierre Blaise, le "Lacombe Lucien" de Louis Malle.
Il en a le physique "paysan" et l’innocence juvénile qui survit à toute cette initiation chaotique dans laquelle il va découvrir la mort, l’amour, l’amitié, tout en devenant un "homme de trop", témoin de tout et acteur de rien. "L’Homme de trop", c’est le titre d’un film de Costa-Gavras, l’un des seuls films qui traitait de la Résistance côté maquis avant "Nos Résistances" et dans lequel Michel Piccoli était dans un rôle similaire à celui de François Civil.
Mais, alors que Costa-Gavras mythifiait les Résistants, joués par des acteurs très connus, Cogitore, lui, décrit des gamins arrivés là pour échapper au STO et comprenant si mal la situation qu’ils peuvent traiter de "juifs" leurs camarades encore plus infortunés, tout cela sous la conduite dérisoire d’un officier royaliste illuminé, magistralement bien campé par Michel Vuillermoz.
On parlera peut-être d’impolitiquement correct, même si l’essentiel n’est pas là. Romain Cogitore est d’abord un excellent directeurs d’acteurs, qui réussit à donner en quelques traits une existence à cette bande de jeunes hommes, tous inoubliables. Il sait aussi pratiquer les ruptures de ton, passant d’une partie de foot aberrante à la mort atroce d’un jeune garçon, réussissant des scènes émouvantes comme celle de la ferme, référence à la séquence de la "Grande Illusion" dans laquelle Gabin rencontrait Dita Parlo, ou celle encore plus risqué dans laquelle le jeune héros, revenu de l’enfer, tente de "violer" une jeune fille diaphane. Le film peut se lire comme un film d’aventures genre "signes de piste", un film d’apprentissage, une réflexion sur le passage à l’état d’adulte, un hommage sans concession aux combattants des maquis.
"Nos Résistances" est donc un des meilleurs premiers films français de ces dernières années : il porte un sujet jusqu’au bout, le traite sans oublier de le mettre en scène et sans s’encombrer du ton "premier film". Romain Cogitore ne récite jamais le catéchisme des débutants, ce qui est déjà la marque des futurs grands.
Avec ces jeunes gens insouciants promis au pire, ces jeunes filles en fleur en plein désastre et son point de vue peu orthodoxe, mais sans doute juste, puisque nourri de souvenirs familiaux, Romain Cogitore a vraiment fait un bon film.
Ceux qui le rateront auront grand tort : Romain Cogitore est l’avenir du cinéma français. |