Stand up comedy de Bertrand Bossard.
Dans un pré-carré scénique clairement délimité, aussi précis que sa prestation à l'écriture millimétrée sous l'apparence conversationnelle de "Incredibly Incroyable", Bertrand Bossard réussit parfaitement le challenge audacieux de l'importation hexagonale du stand-up comedy à l'anglaise et qui plus est intégralement dispensé dans la langue de Shakespeare.
Outre la distanciation qu'elle induit, l'utilisation d'une langue non nationale telle que l'anglais s'avère totalement, non seulement judicieuse, mais totalement incontournable pour dispenser un humour inscrit délibérément dans le registre british par excellence qu'est de lui de la transgression iconoclaste et qui perd beaucoup de son pouvoir comique à la traduction .
Basé sur l'archétype du bouffon télévisuel d'outre-Manche qui réinvente le burlesque primitif, l'avatar de Bertrand Bossard résulte d'une chimère tout aussi inattendue que complémentaire, tant au fond qu'en la forme, entre l'exubérance faciale du comique muet bête et méchant de Mister Bean et l'art du dialogue satirique parfois cynique flirtant avec le non-sens porté à son pinacle par les héroïques Monthy Python dispensé avec le détachement d'un John Cleese qui parlerait comme un professeur de télé-enseignement.
Ce spectacle qui est donc présenté, à juste titre, comme "une jonglerie verbale et physique a de quoi ravir et déclencher l'hilarité chez les amateurs d'humour pince sans rire aussi féroce que déjanté.
Tout commence comme un banal trajet en voiture où le conducteur anonyme de Bertrand Bossard se trouve missionné par Dieu himself, déçu par l'échec de son messie, pour sauver le monde en lui réapprenant le bonheur de vivre ensemble.
Et qu'est-ce que le bonheur de vivre ensemble sinon le communisme utopique des lendemains qui chantent prônés par la révolution russe ? Voilà le point de départ d'une frénétique immersion dans une ébouriffante 4ème dimension qui, du goulag à la chasse à la grenouille en passant par le yacht de la reine Elisabeth, emporte le spectateur dans un irrésistible et hilarant maelstrom apocalyptique.
Elégant et gracile, Bertrand Bossard raconte le pire avec un art consommé de la comédie et du second degré : ainsi l'illustration du "schmuck" que fait le baisser russe par -35 degrés avec une tête de veau congelée, obtenue auprès d'un boucher qui décrit par le menu l'abattage des gentils animaux innocents, la guerre froide ramenée à une bataille de coqs dans un poulailler et le complexe du mime Marceau qu'il exècre et à qui il fait subir les pires tortures exterminatrices avec par exemple une tronçonneuse pour bonsai.
Ce qui à l'évidence ne fait pas rire tout le monde. Mais en anglais, my god ! |