Lorsqu'on écoute Bulevar 2000 de Bostich + Fussible, la première réaction est de zapper très vite d'une chanson à l'autre en balançant des vannes débiles du style "Voilà de la bonne musique pour aller draguer au salon de l'agriculture avec le tracteur tout neuf, les jantes chromées et la moumoute sur le volant" ou "On l'a échappé belle ! On a failli avoir une année du Mexique en France. Merci Florence Cassez !" ou encore "Chouette ! Daft Punk vient de remixer Yvette Horner". Bref, un florilège de bonnes saillies bien grasses pour un disque qu'on met déjà dans le peloton de tête des pires réalisations de l'année 2011, voire 2012 et 2013 si Bostich et Fussible veulent retenter leur chance les années suivantes.
Pourtant, ce duo avait été nominé aux grammy awards pour son premier album, la production du disque est soignée et l'ensemble a au moins le mérite d'être bien plus original que la livraison quasi-quotidienne de disques sortis par des légions acnéiques qui s'auto-proclament meilleur groupe du monde parce qu'ils copient pâlement les Libertines, NTM, Noir Désir ou Rage Against The Machine.
Bostich + Fussible ont en fait la même démarche que Gotan Project, en arrangeant une musique traditionnelle de façon moderne, en ajoutant des rythmiques électroniques, avec beaucoup de respect pour le matériau de départ. Alors pourquoi cela fonctionne-t-il pour Gotan Project alors que pour Bostich + Fussible le résultat prête plutôt à rire ?
Finalement, la réponse se trouve dans les réflexions stupides formulées par notre esprit malade à la première écoute de Bulevar 2000. Le matériau de base de Bostich + Fussible est la musique Norteña, musique populaire du nord du Mexique, exécutée avec un accordéon, des cordes pincées (guitare, basse), instruments sur lequels viennent parfois s'ajouter des trompettes façon mariachi. Le rythme est souvent proche de celui de la polka. Ce style musical est encore bien vivace au Mexique et dans certains états du Sud-Ouest des Etats-Unis. On le retrouve chez certains groupes de rap chicanos de Los Angeles, comme les Delinquent Habits, groupe popularisé par la série The Shield.
Le problème est qu'en France, l'utilisation de l'accordéon ne nous renvoie pas vers quelque chose de particulièrement exotique. Autant Gotan Project nous emmène immédiatement vers un imaginaire de rivages argentin, par ses rythmes mais aussi l'utilisation de l'accordéon à la manière d'Astor Piazzolla, teintée de nostalgie, autant chez Bostich + Fussible l'accordéon, mixé très en avant, nous rappelle André Verchuren et la fête à neuneu. L'accordéon et la rythmique polka, à l'aune de la tradition musicale française, n'évoque absolument aucune image exotique mais plutôt celle d'une soirée aligot dans la salle municipale d'une sous-préfecture du Cantal.
C'est donc un disque à aborder en fonction de sa propre culture : si vous avez été élevé au Mexique et que la musique norteña vous secoue les tripes, il est possible que vous adoriez ce disque. Mais si à l'évocation de l'accordéon, le premier nom qui vous vient à l'esprit est celui d'Yvette Horner et que la polka ne soit pas le rythme sur lequel vous préférez vous déhancher, alors ce disque, au mieux, provoquera chez vous un bon éclat de rire devant tant de ringardise présentée comme soi-disant novatrice. |