Réalisé
par Raphaël Jacoulot. France. Comédie dramatique.
Durée : 1h44.
(Sortie le 2 mars 2011). Avec Jean-Pierre Bacri, Vincent Rottiers, Sylvie Testud, Ludmila Mikaël, Céline Sailette, François Perrot, Xavier Robic et India Hair.
Ce n’est pas faire offense à Raphaël Jacoulot d’écrire qu’avec "Avant l’aube" il choisit délibérément de s’inscrire dans un genre très français, celui du film d’atmosphère. Avec un scénario très construit, sans aspérités, une distribution crédible avec un Jean-Pierre Bacri au meilleur de sa sobriété, il prend le prétexte de l’intrigue policière pour proposer à son spectateur de passer grâce à lui quatre-vingt dix bonnes minutes de bon cinéma.
Démarche modeste et honnête, ambitionnant de divertir sans esbroufe, sans 3D et sans effets spéciaux autres que quelques dérapages automobiles, le travail de Jacoulot est estimable. Il serait par exemple injuste de parler d’académisme, encore plus de voir cet "Avant l’aube" comme un téléfilm bénéficiant du grand écran.
Non. Ce cinéma post-classique, qui trouve ses origines lointaines dans des adaptations de Simenon ou de Patricia Highsmith, est bien au-dessus des dix ou quinze derniers Chabrol paresseux et rappelle plutôt ce maître quelque peu oublié aujourd’hui, Michel Deville période "Eaux profondes".
S’il fallait rapprocher Jacoulot de ses contemporains, ce serait Denis Dercout qu’il faudrait citer : mêmes manière propre, précise et parfois appliquée de mener le jeu, même intérêt pour les acteurs, même utilisation astucieuse d’un soupçon de psychanalyse pour expliquer les rapports des personnages, même souci de ne pas laisser son spectateur dans les fausses ambiguïtés. D’ailleurs, "Avant l’aube" est un titre pas très éloigné de "Demain, dès l’aube", le dernier film de l’auteur de "La Tourneuse de pages".
Bien sûr, à l’instar des critiques faites à Dercourt, certains reprocheront à Jacoulot de ne viser qu’à traiter parfaitement un récit conventionnel. Mais on peut aisément retourner l’objection : si Jacoulot remet au final une partition classique, il intègre dans chaque mouvement des variations originales, avec notamment des scènes croisées entre les différents protagonistes toujours bien venues.
On soulignera évidemment la prestation formidable du jeune Vincent Rottiers, qui n’est pas un faire-valoir face à Bacri et qui se sort d’un rôle plutôt mutique sans surcharger son lourd silence. Selon l’adage, il devrait faire une belle carrière, à condition qu’il tombe sur d’autres Raphaël Jacoulot dont le point fort sera la direction d’acteurs et qui feront en sorte qu’il ne suive pas la pente fatale de la "Benoîtmaginelisation".
Par ailleurs, ceux qui s’inquiétaient pour l’avenir de Sylvie Testud seront rassurés : dans "Avant l’aube", elle commence une carrière de policière décalée très prometteuse qui devrait convaincre une grande chaîne.
N’offrant pas forcément matière à beaucoup de commentaires, "Avant l’aube" est un film vraiment réussi qui devrait certainement permettre à Raphaël Jacoulot d’obtenir la direction d’oeuvres plus ambitieuses que celle-ci, au moins sur le papier. |