Après l'exposition monographique consacrée à Monet, fondateur de l'impressionnisme qui a marqué l'apogée du genre pictural qu'est la peinture de paysage, la Réunion des Musées Nationaux, en collaboration avec le Musée du Louvre et le Museo Nacional del Prado, se penche sur sa genèse.
L'exposition "Nature et Idéal - Le paysage à Rome 1600-1650" concrétise un projet élaboré par
Francesca Cappelletti, professeur d’histoire de l’art à l'Université de Ferrare, Silvia Ginzburg, professeur d’histoire de l’art à l'Université de Rome et Patrizia Cavazzini, professeur à la British School à Rome, qui établit comment au 17ème siècle, en un demi siècle à Rome, un genre pictural mineur est devenu un art reconnu.
Cette exposition, dont le commissariat général est assuré par Stéphane Loire, conservateur en chef au Département des Peintures du Musée du Louvre, qui se présente sous forme d'un parcours chronologique scénographié de manière classique par Marc Vallet, permet de suivre les évolutions stylistiques qui ont affecté la production picturale de cette période et concouru à l'élaboration du paysage classique.
Le paysage classique : l'ordonnancement d'un monde idéal
L'exposition s'articule autour des figures de proue que furent Le Carrache, Poussin et Claude Lorrain dans l'instauration du dogme du paysage classique dans le
foyer artistique européen majeur que constituait Rome au début du 17ème siècle.
Par ailleurs, elle insiste également sur la nécessaire et incontournable confrontation avec le paysagisme nordique, qui privilégiait le naturalisme et le pittoresque.
Après le paysage "fond de scène" destiné à mettre en valeur la figure et le paysage-monde à la familiarité paisible qui devient l'élément principal du tableau dans l'art flamand et le maniérisme sensible qui sévissait en Italie,
se développe le paysage classique héritier de l'intellectualisme de la Renaissance qui prône une nature idéale, ordonnée et soumise à l'homme.
La deuxième caractéristique
de ce paysage "idéal" concerne la présence récurrente de l'architecture et la réintroduction de la figure humaine sous forme de personnages empruntés à la mythologie profane et religieuse.
Par ailleurs, la centaine d'oeuvres exposées, qui inclut également un cabinet graphique, permet non seulement de prendre la mesure des révolutions stylistiques en termes de composition, de palette chromatique et de traitement de la lumière mais également de leurs déclinaisons différentes selon les peintres par exemple héroïque ou champêtre pour Poussin et Claude Lorrain.
Un des autres intérêts de l'exposition est de proposer un panorama de l'évolution du paysage bolonais et du paysage nordique avec des peintres dont les noms sont moins connus du grand public et dont le rôle fut cependant primordial comme Paul Bril, Pierre de Cortone et Le Tasse.
Côté français, elle permet de découvrir les oeuvres de Jean Lemaire, initiateur du paysage archéologique, et de Gaspard Dughet, le beau frère de Poussin, qui a beaucoup travaillé sur des fresques in situ commandés par les grandes familles romaines.
Enfin, elle permet également d'admirer des oeuvres rares comme les deux fragments désormais réunis d'une toile de Poussin détenu par le Musée Fabre de Montpellier et la série de paysages verticaux commandés par le roi Philippe IV pour le palais madrilène du Buon Retiro, prêt du Musée du Prado.
Par sa démarche comparative et déductive cette exposition, au demeurant pointue, permet d'intéresser les amateurs qui ne sont pas historiens d'art qui seront, en tout état de cause, séduits par cette promenade picturale romaine. |