"Hé mec t'aurais pas du Coca ? Parce que j'ai un pote qui fait de l'hypoglycémie et il se sent pas super bien". Ambiance devant les portes encore closes de l'Aéronef pour se confronter au style en Crrr du Crou (qui te fout des crampes) version live. De tous les côtés des mèches, des calvities et des cheveux gras. Je me sens paumé avant que le concert ait commencé : je constate après un rapide calcul que les trois quarts de l'assistance était encore à l'école primaire quand "Je fume plus d'shit" était en rotation lourde à la radio.
Se trouver en présence de gens qui n'ont pas connu la révolution Pokemon de près et pour qui Internet en haut débit a toujours semblé comme relevant de la plus pure normalité me rend toujours plus ou moins nerveux. Je patiente néanmoins avec mes angoisses de jeune qui vieillit jusqu'à l'ouverture des portes. Rien de journalistiquement intéressant ne se passe jusqu'à la première partie.
Commence donc Klakomaniak sur une instru à la limite du trip hop. Je m'interroge sur la pertinence du choix jusqu'au moment où le chanteur vêtu d'un simple pantalon simili moule-burne doré entre en scène. Klakomaniak fait dans l'élégance en mélangeant synthétiseurs de fête foraine et section rythmique d'obédience trash metal.
Des fans du groupe sont visiblement présents puisque je semble être le seul au milieu d'un certain nombre de personnes à ne pas hurler les paroles de concert. J'y prête néanmoins attention car lesdites chansons parlent de "barbare à papa" qui mangent de l'herbe, traitent du pouvoir que possèdent les hommes à moustache, d'Astérix à Joseph Staline et rappellent que nous vivons dans un monde de merde. Je m'accorde sur les deux dernières théories, ne sachant pas trop que penser du premier sujet.
Musicalement l'ensemble me rappelle la période où mes cheveux étaient trop longs pour pouvoir prétendre à toute crédibilité et où se projeter le plus fort possible contre le dos de gens ayant plus de points communs avec une colline qu'avec quoi que ce soit d'humain ressemblait à ma définition de "ce qui est cool". Le metal regroupe tellement de sous genres, auxquels je ne comprenais déjà rien à l'époque, que définir clairement aucun appartient Klakomaniak serait une tâche ardue en ce qui me concerne. Je sais juste que le groupe me rappelle les non moins brillants Call Of Ktoulouse (et leur tube "Dans le cul de Brian Molko").
Je reste néanmoins impressionné par la capacité que peut avoir le chanteur à sonner par moments comme un ours bourré engueulant sa femme depuis le fond d'une caverne (ceci est un compliment).
J'avoue ne plus me rappeler exactement de la fin mais il me semble que cela impliquait une reprise de Richard Gotainer et un mec en costume d'esclave sexuel (pas nécessairement en même temps).
Je sors donc fumer une cigarette au milieu d'adolescents pré-pubères en attendant Stupeflip. La salle vomit de monde et le sol est déjà collant de bière. Si l'on ajoute l'odeur de cigarettes et de mauvais shit, l'impression de se retrouver dans une fête de lycéens se renforce. Pensant tout d'abord traiter le concert sous cet angle je me suis rapidement rendu compte de sa portée relativement limitée. J'ai donc décidé de faire dans le professionnel.
Le groupe arrive enfin à grands renforts de masques, de capes et d'ambiance crypto-mystico-médièvale. Ouverture sur "Les monstres" posant un climat d'angoisse presque relaxant. Vient ensuite la première interruption. Enchainement sur "Mon style en Crrrr", en continuation de la ligne plombée donc. Et nouvelle interruption. Lancement d'une vidéo à laquelle la majorité du public n'a pas du comprendre grand chose, puisque masquée par les cris de bœufs émanant de la foule.
Sans aller jusqu'à dire que le problème de Stupeflip est son public, on peut néanmoins concevoir qu'un ramassis de mecs bourrés hurlant des injures à chaque parole prononcée tout déclarant adorer ce groupe ne constitue pas nécessairement une forme d'idéal. Et c'est un problème puisque le public est acquis d'avance. Peu importe l'issue du concert, tout le monde ressortira satisfait (tous les commentaires sur les vidéos Youtube en font presque l'évènement musical de l'année).
Et ce n'est pas le genre de choses qui incitent un groupe à faire des efforts. Stupeflip joue la carte de la sécurité avec beaucoup de titres du dernier album. Et presque mollement. Le son est trop faible et l'ensemble manque d'impact. "Stupeflip Vite !!" sonne comme ralenti. L'impression que personne ne s'implique vraiment domine. Les interruptions dues au changements de costumes (King Ju / Pop Hip et à nouveau King Ju) se font trop nombreuses et cassent la dynamique de l'ensemble. Une bonne partie du public n'est là que pour accompagner ses enfants, l'autre est une masse indistincte de cheveux, de torses nus et de sueur.
Quelques bons morceaux, principalement des anciens, et pendant un moment le set semble s'installer dans un vraie dynamique. Jusqu'à ce qu'une nouvelle interruption vienne enfoncer le truc. On peut également regretter que peu de morceaux du second album figurent sur la set-list puisque les rares qui auront été joués sont particulièrement efficaces. Au risque d'être mal compris, je me dois de préciser que j'aime beaucoup les albums de Stupeflip mais ce qui dominera sera finalement le manque de prise de risque. Qui n'en aurait pas été réellement une, le public connaissant chaque titre par cœur. Alors pourquoi ne pas jouer des trucs comme "La religion du Stup", "Region Est", "La Menuiserie" ou "Le Cartable" au profit des nouvelles chansons ?
Je suis arrivé au concert avec l'envie de voir quelque chose de sauvage, qui déplairait à tout le monde et bien que je sois ressorti trempé de sueur et avec du sang dans la bouche, je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'on nous avait un peu vendu du faux sur ce coup là. Du semi-violent, du partiellement glauque et tout autre substantif pouvant se relier à l'idée que les choses ont été faites à moitié, trop rapidement. Du coup je suis rentré fumer du shit pour ne plus y penser. |