Réalisé par Daniele Luchetti. Italie. Comédie. Durée : 1h33. (Sortie le 6 avril 2011). Avec Elio Germano, Raoul Bova, Isabella Ragonese, Luca Zingaretti, Stefania Montorosi et Giorgio Colangeli.
Vingt-deux ans se sont écoulés depuis que Daniele Luchetti a gagné la Caméra d’Or avec "Domani Domani", film dans lequel apparaissait son mentor Nanni Moretti avant qu’il ne soit sa vedette dans son film le plus célèbre, "Le Porteur de serviette".
En France, être encore là vingt-deux ans après son premier film demeure le lot d’un grand nombre de réalisateurs ; en revanche, en Italie, c’est déjà un acte politique, un acte de résistance face à la toute-puissance de la télé-poubelle appartenant au président du conseil Silvio Berlusconi.
Dans ce contexte, "La Nostra Vita", qui pourrait se lire comme une bluette transalpine, une espèce de "Petits mouchoirs" à l’italienne, est en fait un film d’une grande richesse sur l’état de l’Italie contemporaine.
À travers la vie d’un jeune conducteur de travaux, bouleversé par la mort en couches de son épouse, on aura à petites touches le portrait d’un pays nageant dans le magma des contradictions engendrées par un libéralisme fortement débridé : racisme, économie parallèle, malaise et mal-être des individus. On se demandera même si les choses habilement montrées sont dénoncées ou acceptées par le réalisateur, si l’on n’est pas ici dans une critique manquant de radicalité que l’on qualifierait de "bobo" en France.
Ainsi la morale du film, qui semble dire que la famille est le dernier rempart contre une société cosmopolite qui tire les pays vers le bas, est d’une grande ambiguïté.
Jadis quelqu’un disait que les Italiens étaient des Français de bonne humeur. "La Nostra Vita" est la preuve que cette différence s’est estompée.
Pourtant Luchetti feint l’optimisme dans une fin qui va à l’encontre de tout le reste du scénario. Mais on ne lui en tiendra pas trop rigueur, car il a si bien dessiné ses personnages, particulièrement celui de Claudio joué par Elio Germano - logique prix d’interprétation masculine au dernier Festival de Cannes - qu’on acceptera le "happy end".
Admettons-le : dans un pays où le cinéma est sinistré, Luchetti fait certainement le plus qu’il peut faire. On aimerait d’ailleurs que de leur côté des Alpes, ses homologues français, pour qui filmer est plus confortable, aient au moins le même courage... |