Comédie écrite et mise en scène par Laurent Leclerc, avec Margaux Delafon et Laurent Leclerc.
En ces temps où le metteur en scène projette sa fatuité jusqu'à inscrire son nom en gras, près de celui d'un auteur famélique ou mort, le nom seul de Laurent Leclerc, sur le volant de "Les épouvantails" a déjà de quoi réjouir. C'est que ce garçon brillant sait tout faire : écrire, régir, jouer.
Un clochard, titulaire de la société très anonyme "Erre S.A.", débris d'usine liquidée, pièce détachée rouillée ; croupit sur son grabas en attendant des jours...pires. Passe une Mimi pinson de "Pôle en poisse", qui lui propose un casse, le coffre-fort du Grand patron délocalisateur en chef.
Avec le magot, ils pourront ouvrir une "Sandwicherie", où le casse-croûte, unique et millesimé, étouffera le chrétien pour une heure ou deux. Sublime programme : l'espoir se redresse comme un vieux cobra édenté.
"Fable sociale", dit le programme, version moderne de "Fric-frac", en fait, avec deux comédiens extraordinaires de naturel, de vie, de rouerie et d'humanité.
Laurent Leclerc qui, outre une plume drôlesse et un sens du dialogue certain, incarne un éclopé de la modernité croyable et incroyable, avec un jeu qui monte en puissance, du mégot au havane, jouant comme jouent les enfants, avec ce sérieux et cette nonchalance où rien moins que toute la vie est enjeu.
Et Margaux Delafon, magnifique comédienne dont le nom est à retenir - Margaux Delafon - elle devient la Femme, celle qui relève l'homme, le revirilise, habile, manipulatrice, dominante, inventeuse, femme du peuple qui ose ses instincts, vengeresse, vorace, vivante et réchauffante.
Quel talent ! On songe à Arletty, à la Jeanne Moreau de "Jules et Jim" puis on se réjouit de la découvrir : c'est Margaux Delafon.
Une heure de plaisir et d'audace, d'émotion, d'espoir, de talent, de jeunesse, de contestation : De vrais Epouvantails à oiseaux de malheur, ces deux-là ! |