C'est quelque chose, la mémoire, la reconnaissance. Ce qui fait que certains titres se gravent à même notre peau, nous habitent, nous façonnent. Tant et si bien qu'on les reconnaît à la moindre note de leur introduction, au bourdonnement calme des amplificateurs, avant la tempête. A côté des albums historiques, chacun range ainsi ses propres albums biographiques, jalons de ses propres chamboulements, bande originale de ses trajectoires existentielles.
S'il est logique de considérer ces éléments d'une historiette personnelle avec une affection particulière, il n'en faut pas pour autant négliger une autre catégorie d'albums : ceux qui, justement, ne nous laisseront aucune trace. Collections de vignettes volatiles, plus légères que nos airs pénétrés, aux goûts si légers, aux couleurs si discrètes que l'on doutera peut-être même, le temps passé, de les avoir déjà entendus.
Doldrums, troisième album des français de Recife, est certainement de cette famille.
Que l'on ne se méprenne pas : au total, c'est loin d'être désagréable. Simplement n'est-ce que l'un de ces petits plaisirs insouciants, que l'on s'offre au cours de l'une de ces après-midis libres (si ce n'est : désœuvrées), bien certain de l'oublier dès le lendemain, revenu au sérieux du fil ordinaire de ses journées. Une brève escapade plutôt que le souvenir marquant d'un voyage, d'une aventure, d'une épopée. On dirait aussi : une caresse, un effleurement insouciant plutôt qu'une cicatrice ineffaçable.
Le pop-rock du quintet est sympathique, envolé, intelligent, habité par la voix d'un Yann Mercier pas si loin parfois de Steven Wilson, l'accent un rien plus frenchy ; haché de guitares, déchiré à l'occasion d'un saxophone. On y croisera Jullian Angel en guest star, et même l'astrophysicien Hubert Reeves lisant un extrait de son livre "L'univers" sur le morceau bonus éponyme. Et l'on passsera en cette compagnie un charmante heure. Insouciant et bienheureux. Avec dans la bouche cet arrière goût d'oubli toujours déjà commencé. Tempus fugit, irreparabile. |