Le Musée Picasso de Barcelone présente une exposition intitulée "Vinyetes al front" consacrée à la production artistique qui, pendant la guerre civile espagnole, dénonçait le dangers et les exactions du fascisme franquiste.
L'origine de cette exposition est liée à l'essor, pendant cette période, de la presse, des revues satiriques et des hebdomadaires populaires auxquels ont collaboré de nombreux artistes, peintres et surtout dessinateurs, graphistes et illustrateurs, pour mettre leur talent au service de la contestation et de la critique politique formant ce que Maiakovski appela "l'Armée de l'art".
Par ailleurs le lien avec Picasso tient
non seulement au fait que grand lecteur et passionné d'images il y puisait de nombreux sujets mais à la parution en 1937, parallèlement à l'Exposition universelle de Paris de sa fresque monumentale "Guernica", toile commandée par le gouvernement républicain espagnol, d'un portfolio intitulé "Rêve et mensonge de Franco" qui constitue une production atypique dans son oeuvre.
Les commissaires Salvador Haro et Innocente Soto, avec la collaboration de Claustre Rafart, ont sélectionné près de 130 oeuvres qui sont présentées dans une scénographie plaisante et judicieuse de Lluis Pera qui insère, à l'intérieur des salles affectées à l'exposition, des modules de monstration, pour mettre en valeur des oeuvres de taille et de support différents.
Aux armes, la plume, le crayon et le pinceau !
L'exposition se décline en quatre salles thématiques pour illustrer la manière dont les artistes d'avant garde - dont certains étaient d'origine étrangère - se sont engagés dans le combat au quotidien par le biais de l'humour parfois macabre, de la parodie et de la caricature et, sans renoncer à leur style, ont introduit la narration graphique dans leur oeuvre et opéré une novation radicale dans le registre de la satire en Espagne.
La première salle est fort logiquement consacrée au portfolio de Picasso considérée comme atypique dans son oeuvre de par son implication propagandiste. Il comporte une page de poésie surréaliste manuscrite et deux planches de caricatures à l’eau-forte sous forme de neuf vignettes de bandes dessinées, l'une illustrant la psychose du général se présentant comme le sauveur de l'Espagne et l'autre la réalité sanglante.
Ensuite, dessins, affiches, peintures et lithographies se déclinent sous les thèmes "L'armée de l'art", "Portrait d'un général" et "Les désastres de la guerre", cette dernière en référence au titre de la série d'estampes de Francisco de Goya.
Le visiteur repèrera des signatures connues, André Masson,
George Grosz, John Heartfield, et découvrira les affichistes espagnols, Manuel Monleon Burgos,
Perez Contel, Josep Renau Berenguer, les caricatures du Général Franco et des nationalistes avec Ramon Puyol ("El bulista", "El accaparador"), Pedrero ("El generalisimo" retenu comme visuel de l'exposition) et Juan Antonio Morales ("Los nacionales") et les caricaturistes tel Tono Salazar
A ne pas rater les cartes à jouer grands formats sur lesquelles le dessinateur Mauricio Amster Cats caricature toutes les dictatures de la planète pour un jeu des sept familles fascistes ("Twelve sketches for an anti fascit pack of playing cards").
Par ailleurs, l'oeuvre de Picasso y est présente notamment avec
la représentation de Franco en cavalier dans le prolongement de son travail sur le minotaure. L'exposition permet également de voir comment l'artiste a puisé certains motifs dans les ressources xylographiques comme dans les photos de presse et les bandes dessinées.
En profiter bien évidemment pour coupler avec une visite des collections permanentes et découvrir le travail de Picasso lithographe avec une sélection d'oeuvres de la période des années 50 qui montrent comment il a usé de toutes les possibilités de cette technique qu'il a découvert en 1919.
Les déclinaisons de La colombe et de la femme endormie, la série de portrait de faunes et les scènes de bonheur familial représentant Françoise Gilot et leurs enfants Paul et Paloma sont sources de ravissement. |