Robert Ludlum est le papa de Matt Damon. Enfin, presque, puisqu’il a créé Jason Bourne, et que le cinéma lui a donné son visage de poupon et ses biscotos en béton. Romancier à succès, Robert s’éteint en 2001, zut alors, pile poil quand il commence à rapporter plutôt pas mal avec les droits des adaptations cinéma de sa série Bourne.
"Peu m’en chaud !" s’exclame l’éditeur. Sur ces mots, il s’empresse de dégoter un poulain à notre bon vieux Robert : Eric Van Lustabader (qui rime avec imposteur). Ne cachant pas sa joie, ce dernier accepte le subterfuge, avant même de voir les mirobolants bulletins de paye. C’était un fan. Il connait tout par cœur. Et commet la suite des aventures de Jason Bourne. S’inspire-t-il de notes laissées par son idole ? Robert apprécie-t-il ce que le succès fait à son bébé ? Aucune idée.
Mais quand même, il n’est pas si imposteur que ça cet Eric Van Lustabader, au contraire, c’est une idée géniale de reprendre un personnage. Au lieu de crier au sacrilège et au scandale de l’usurpation, je crois que l’idée devrait inspirer plus, pourquoi ne pas demander à des auteurs différents de poursuivre les aventures d’un personnage. Mon imagination surchauffe. Revenons-en aux faits.
Jason Bourne a des problèmes de peau. Non, pas de l’acné juvénile persistant, lui est victime d’un tout autre fléau : sa peau absorbe TOUT. Bon, vous arrêtez de penser n’importe quoi ? Non, pas comme du sopalin. Sa mémoire est dans sa peau, sa vengeance est dans sa peau, sa revanche est dans sa peau. Et maintenant, c’est Le danger dans la peau, ou La sanction dans la peau (ça fait un peu : Au piquet ! donc, je reste sur Le danger dans la peau).
L’histoire commence au cœur d’une prison de haute sécurité en Russie (le goulag donc) et en Suisse (pays neutre où se cachent mille personnages). Le premier personnage que j’ai croisé est Arkadine, LE GROS MECHANT, un baraqué, un tueur, qui se prend pour la Mort en personne, sans âme, sans foi ni loi, parce qu’il a grandement souffert dans son enfance (avec des parents comme ça, moi aussi j’aurai mis mon âme à la poubelle… ils ne laissaient pas les rats me bouffer les orteils…). Le deuxième personnage se fait passer pour un haut fonctionnaire vivant dans la paisible Suisse : Piotr, c’est aussi un méchant.
Et le livre continue en voulant nous montrer une petite banlieue sympathique des Etats-Unis (alors que j’ai entendu craquer des os deux pages plus tôt). Dans cette banlieue, il y a une belle université avec un parc magnifique non pollué, plein de vélos et de zoizeaux. Et sexy-Matt Damon en costard qui ne cache pas ses bras puissants et son corps d’athlète, et ses petites lunettes de professeur rangé au milieu. Hum, pardon, Jason Bourne, sous son personnage de David Webb, professeur de linguistique à Georgetown. Sa copine est morte au fait, Marie machin.
Il est pépère en train de draguer une collègue, quand son ami Dominic Specter est kidnappé sous ses yeux. Chouette ! Une course poursuite en vélocipède dans la ville, il se prend des mamies, se fait gronder par des d’jeuns, renverse des étalages, fait des supers pirouettes, sauve son ami. MAIS. Il est recontacté par ses anciens employeurs (moi aussi il me manquera Matt), il minaude, mais finit par accepter de se lancer sur les traces de la mystérieuse Légion noire, un ancien bataillon SS reconverti dans le terrorisme (et qui veut balayer l’Amérique avec une super bombe).
Action, quand tu nous tiens. L’auteur arrive même à reproduire cette impression de malaise ressentie dans les films, caméra au point, pas une image stable, un tourbillon avec Jason à tous les plans.
Il va croiser Arkadine. Se rendre compte qu’un méchant n’est pas forcément méchant-méchant. Je ne vous dis pas qui gagne à la fin, vous le savez déjà, le roman épithélial suivant est en librairie : Le mensonge dans la peau. |