"Tout vice a sa vertu". Voilà commence l’Eloge de la vulgarité de Claude Cabanès. Et il n’a pas tort. Il en a vu des vices cramponnés aux gens dans sa longue carrière d’écrivain journalistico-phage. De chef de la rubrique culture de l’Humanité dimanche (vous savez, le truc en plus que personne ne lit dans les suppléments journaux du dimanche, mais que vous relisez avec attention quand il s’agit de déchirer la page pour allumer la cheminée...) à son premier roman, Le siècle dans la peau (rien à voir avec Jason Bourne), Claude Cabanès est passé par plusieurs direction, et il est maintenant multi-tâches (il écrit dans moults publications dont l’énumération peut être longue et fastidieuse, et surtout inutile pour la suite).
François Cérésa dirige cette nouvelle collection "Eloge de", avec ce pari ambitieux et alléchant : sous le voile de l’ironie, des auteurs viennent dénoncer un péché, l’enrober et lui trouver des qualités. En clair, si je vous dis : vulgarité, vous pensez forcément à une personne ou une situation que vous évoque ce mot. Le but de cette collection est de vous faire prendre conscience que la vulgarité peut aussi être pas mal parfois. Même si c’est pour lui taper dessus.
Et c’est à cette lourde tâche que s’est attaqué Claude Cabanès. La vulgarité. Et il commence direct en citant notre bon Sarko : "Descends si t’es un homme", à un type qui n’est jamais descendu. Parce que ce type en question avait usé de grossièreté assez désobligeante envers notre bon Président. Et bé oui, la vulgarité, c’est d’abord ça : les mots fleurant la gastro de rhinocéros. Mais c’est aussi tant de choses : ces images volées sur papier glacé, ces informations volontairement choquantes, des intimités exposées au plus grand nombre (mis à part que je m’en tape royalement, certains sont alléchés par ce type d’émissions). Et en lisant, en sachant que la vulgarité suinte par tous les empattements de la police du livre, on ne peut s’empêcher de s’y comparer : suis-je vulgaire ?
Mais l’auteur réussit avec finesse à nous plonger dans l’histoire, pour nous faire revivre le contexte de l’origine d’une quelconque vulgarité. Vu que d’après Robert, vulgaire est plutôt un synonyme de commun, et non de lady-gaga. C’est donc que la vulgarité a été "créée" par de vieux bourgeois, face aux nouveaux riches. Des gens du commun, dotés de pécules rutilants grâce à autre chose que leur naissance. Forcément, il fallait bien distinguer les vieilles rombières des jeunes arrivistes timides dans leur crinoline toute neuve. Voilà.
Et les siècles ont fait le reste. De la distinction commun/particule, nous en sommes arrivés aux défilés en robes faites de filets de poulet élevés aux hormones de sardine, ponctué de fuck et de majeurs levés bien haut… Damned ! Dans quel monde vivons-nous ?
Le texte en lui-même est un petit bijou de style, l’auteur arrive à y être ironique sans devenir agaçant, il cite des auteurs classiques sans nous prendre pour des incultes débiles, et sans nous snober. Cet homme est un dandy, class, agréable, souriant et calme. Il est le bon côté de la vulgarité, il est commun, on a envie de s’asseoir à ses côtés pour partager quelques minutes, loin des fautes de goûts et des noms d’oiseaux. |