Réalisé par Léandre-Alain Baker. France-Congo-Sénégal. Drame. Durée : 1h30. (Sortie le 1er juin 2011). Avec Katoucha Niane, Victor Lazlo, Ibrahima Mbaye, Ismael Cissé, Suzanne Diouf, Abdoulaye Diop Dani et Omar Seck.
Bien entendu, avant toutes choses, il faut demander au spectateur qui ira voir "Ramata" une certaine bienveillance, une acceptation de tous les partis pris choisis par Léandre-Alain Baker pour son premier long métrage de fiction.
Il faut ne pas craindre les codes d’un mélodrame plus naïf que flamboyant, des codes assaisonnés à l’Africaine et mélangés avec les éléments d’un conte ancestral que psalmodierait un griot s’époumonnant par intermittences contre le bruit des vagues.
Il faut savoir aussi faire sortir de sa tête la connaissance de la mort tragique de Katoucha, mannequin sublime qui faisait dans Ramata ses débuts de comédienne, et ne pas trop penser aux correspondances inouïes qui font se rapprocher le dénouement du film et celui de l’existence de l’ancien top model guinéen.
Trois ans après la disparition de cette femme, juste après le tournage de "Ramata", on sera forcément saisi de la retrouver si belle dans sa maturité et si fragile devant les premiers signes de l’évanouissement de cette beauté. Évidemment, malgré les recommandations qu’on vient imprudemment d’énoncer, on ne pourra s’empêcher de penser que la cloison est mince entre le personnage de Ramata et l’actrice qui le joue avec une conviction déchirante.
Aimer encore une fois comme si on aimait enfin ou pour la première fois, aimer quitte à en attirer la mort, c’est une histoire éternelle, une histoire immortelle. Elle est racontée ici dans une belle lumière ponctuée par des ambiances glauques, presque libidinales, quand Ramata quitte son milieu privilégié pour rejoindre les bas-fonds de Dakar.
Léandre-Alain Baker ose alors la métaphore quasi-poétique sous la forme d’un boui-boui tenu par Viktor Lazlo, fumeuse de cigarillos bienveillante qui semble sortie d’une bédé d’Hugo Pratt pour témoigner d’un destin en train de s’accomplir sans possibilité de retour.
On n’oubliera certainement pas Ramata cette femme en quête de désir, son terrible tangage entre éros et thanatos. Jamais on ne sera plus convaincu par l’évidence du mélodrame comme genre absolu pour magnifier les femmes et les raconter.
Si l’on fait l’effort d’accepter la forme narrative choisie en conscience par Léandre-Alain Baker, et toutes les petites imprudences qu’elle implique, on finira à coup sûr submerger par une vraie émotion.
C’est tout ce qu’on demande au cinéma, et tant pis pour ceux qui feront la fine bouche devant une œuvre plus sauvage que maîtrisée, une œuvre à la mesure de la femme exceptionnelle qu’était Katoucha et qui lui rend l’hommage qu’elle méritait. |