Sous-titré "Survivre dans un monde hostile" et illustré d'un pictogramme éloquent, "Emergency" se présente comme un vademecum testé (mais pas toujours approuvé) destiné à tout individu atteint de la même préoccupation obsessionnelle (voire paranoiaque) que celle de l'auteur-narrateur (survivre à tout prix) qui veut se préparer à affronter utilement (en sauvant sa peau) les grands cataclysmes contemporains.
Quoi que. Il s'agit peut-être d'un arbre qui cache la forêt, et donc le vrai propos de l'auteur. Mais commençons par le commencement et revenons à nos moutons, à notre chèvre serait plus exacte puisque le prologue de cet opus aux vertus salvatrices commence par l'épreuve de l'abattage à l'ancienne d'un doux capriné immolé sur l'autel de l'ancestrale coutume d'ingestion de protéines.
Neil Strauss, un presque quadra urbain américain, ex-journaliste pour le New York Times et Rolling Stone se consacrant à l'écriture, raconte son odyssée, quasiment homérienne, qui a résulté d'une dérive obsessionnelle née le jour où, ayant perdu confiance dans "le système", celui de l'Etat-providence et plus précisément la toute puissance étasunienne, il s'est mis à regarder le monde par le prisme de l'apocalypse.
La réélection de Bush, la guerre en Irak et l'attentat du 11 septembre 2001 avaient déjà bien atteint son moral mais en 2005, le rapport d'enquête de l’agence chargée de superviser les situations d’urgence aux États-Unis suite au bilan catastrophique du passage (connu et prévu) de l'ouragan Katrina en Louisiane, en raison d'un délai de cinq jours qui s'était écoulé avant de prendre les mesures nécessaires, qui concluait elliptiquement à "l'absence de capacité logistique suffisamment sophistiquée pour venir en aide à toutes les victimes" a achevé de saper sa foi en son pays.
En conséquence, il lui fallait apprendre à se préparer au pire et mettre tous les atouts de son côté pour l'affronter efficacement, atouts qui, grosso-modo, s'énoncent en deux axiomes, fuir et survivre, principes du survivalisme.
Ce qui s'avère ne pas être une mince affaire : devenir Rambo est plus simple à dire qu'à faire et nécessite abnégation, patience, temps et argent.
Pour ce faire, après avoir tenté de passer le 31 décembre 1999 avec les bouffons de sectes croyant à la fin du monde lors du passage à l'an 2000 mais ayant préféré accompagner une chanteuse de country invitée à la Maison Blanche, il commence par le commencement :
acquérir une citoyenneté de secours par l'obtention d'un passeport qui permet de quitter la zone dangereuse.
Ce qui n'est pas chose aisée, au moins par les voies légales, et semble-t-il encore moins pour les citoyens américains. En attendant la réussite de ses démarches, il entame donc le périple d'apprentissage des règles de survie qui passe notamment par un programme de survie en milieu sauvage, un stage au sein d'une communauté faisant partie du mouvement de la permaculture, des cours de combat de rue, une formation au tir destinée aux militaires et policiers et ouverte aux simples citoyens et un enseignement de survie en milieu urbain en situation de fugitif.
Le tout au sein d'organismes nommément cités ayant pignon sur rue et site web. La réalité dépasse souvent la fiction et les Etats-Unis sont réputés pour avoir toujours une longueur d'avance dans l'imagination libertaire.
Neil Strauss livre donc, sous forme de leçons réflexives sur le sens de la vie parfois illustrées de strips "pratiques" de Bernard Chang, le résultat de cette enquête-expérience in situ qui donne lieu à des épisodes burlesques et picaresques qui ne seraient que jubilatoires s'ils n'étaient que purement fictionnels.
Et puis, au plus fort de cette course obsessionnelle qui est devenue quasiment sa seule raison de vivre, intervient un inattendu entretien avec le poète, romancier et musicien Léonard Cohen. La suite ? Bonne lecture. |