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Asghar Farhadi     (juin 2011) 

Réalisé par Asghar Farhadi. Iran. Drame. Durée : 2h03. (Sortie le 8 juin 2011). Avec Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseini, Sareh Bayat et Sarin Farhadi.

Depuis deux ou trois décennies, certains pays ont compris qu’à l’instar des compétitions sportives, les festivals de cinéma constituaient une chambre d’écho formidable pour se faire connaître, vaincre leur isolement international, imposer d’eux une image positive grâce à des films à la fois de haute tenue artistique et apparemment critiques de sociétés pourtant écrites comme hermétiques à toute critique.

Des pays bien différents par leur nature politique, mais se ressentant pareillement comme mal aimés ou incompris par la communauté internationale, comme Israël, les Chine, ou l’Iran, se sont ainsi souvent retrouvés dans les Palmarès des grandes compétitions cinématographiques et ont été complimentés pour leur capacité à produire un cinéma audacieux dans sa forme et courageux dans les sujets de société traités.

Évidemment, une fois les récompenses glanées et la bonne publicité obtenue ainsi par les "vilains petits canards" de la société internationale, les films rentraient dans leurs boîtes et connaissaient souvent dans leur patrie d’origine des diffusions discrètes ou aléatoires, leur facture peu classique ayant l’avantage de dérouter le grand public et donc de réduire à néant, hors la petite communauté des cinéphiles, l’impact supposé de leurs "messages".

Si l’on prend le cas de la cinématographie iranienne, on a pu ainsi longtemps prendre pour argent comptant les épreuves formelles constituées par les films d’Abbas Kiarostami et des cinéastes de sa mouvance. Sans s’avancer, on pourrait dire que ces films faisaient plus sens pour le critique des Inrockuptibles ou du Monde, amateur d’épure mininaliste, que pour le commerçant bazari de Téhéran acquis à la narration téléfilmesque.

Mais, finalement, l’histoire rattrape le cinéma comme le reste. Prise dans ses contradictions actuelles, la société iranienne ne paraît désormais plus contrôlée son "image cinématographique" officielle ou pas d’ailleurs. Ouf ! Le temps des bons films est arrivé, comme on le disait au début de l’année à propos de "The Hunter", film tourné à l’arrache par Rafi Pitts.

Avec "Une séparation", un palier supplémentaire a été franchi puisque le film de a tout du grand film, c’est-à-dire qu’il pourra être vu et aimé à la fois par l’Iranien de base et le critique blasé de Télérama.

En phase complète avec la société iranienne, dont il respecte scrupuleusement les us et les codes du moment (les femmes, mêmes celles que l’on sait du côté de la "modernité occidentale", portent un voile dans leur intérieur bourgeois), "Une séparation" est, pour jargonner, un film langien aux accents renoiriens.

Cette histoire, âpre et tout le temps en fusion, met en effet en place des éléments terriblement signifiants qui vont aboutir à décliner la question de la Vérité. Comme chez Fritz Lang, on commence par se demander "Où est la vérité ?" et l’on finit, comme les personnages, à s’épuiser dans cette recherche, pour se résigner à accepter de se poser l’ultime question, la seule vraiment raisonnable : "Au fond, y a-t-il une vérité ?"

Au départ, tout paraît pourtant simple et inscrit dans notre code culturel génétique : il y a la modernité face à la tradition, la raison face à la religion.

Et puis, les choses se compliquent. Les modernes sont l’équivalent de nos bobos, c’est-à-dire qu’ils appartiennent à la bourgeoisie intellectuelle moderne, celle qui accepte par commodité ou intérêt l’ordre dominant, libéral ici, islamique là-bas. Alors qu’ils devraient en être les critiques, ils s’en servent, ils s’y meuvent mieux que ceux qui s’en revendiquent.

L’Iranien moderne, occidentalisé, utilise donc une mère douloureuse islamisée pour s’occuper de son père en plein Alzheimer. S’en suivra un drame implacable, une passe d’armes judiciaires, une recherche des effets et des causes qui laissera pantois l’amateur de suspense comme le chercheur d’invraisemblable vérité.

Et, en bon émule de Renoir, Asghar Farhadi sait que "chacun a ses raisons” et il ne juge pas. L’islamiste vocifère peut-être sa foi, mais c’est une victime sociale et un mari aimé et aimant à sa façon.

L’intellectuel va aller trop loin, pousser inutilement son avantage final, mais c’est un homme pris entre son couple qui s’effondre et son père qui s’écroule. Dans "Une séparation", si la parole est poussée jusqu’à son paroxysme, il n’est pas question pour les acteurs de surjouer ni pour la caméra de les surprendre en train de jouer. Les acteurs, et surtout les deux actrices aux personnages antithétiques, jouent tout simplement justes.

Film d’une grande fluidité, "Une séparation" parlera cinématographiquement à tous ses spectateurs. S’il mérite amplement son Ours d’Or à Berlin, c’est qu’à l’inverse de bien d’autres films il n’était pas formaté pour attraper des jurys occidentaux.

"Une séparation" n’est pas un film de propagande pour l’Iran mais un film iranien propageant du cinéma. En cela, c’est mieux qu’un chef-d’oeuvre : c’est un film qu’on n’oublie pas.

 

Philippe Person         
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