Comédie poétique de Evguéni Grichkovets, mise en scène de David Clavel, avec Marie-Hélène Roig et David Clavel.
Dans "Planète", Evguéni Grichkovets donne la parole à un homme, seul. Il parle d'une femme à sa fenêtre. Ça pourrait être n'importe quelle femme, dans n'importe quelle ville, à n'importe quelle fenêtre. Il n'est rien dans la vie de cette femme. Il ne la connait même pas, n'a, a priori, aucune chance de la rencontrer. Existe-t-elle, seulement, ailleurs que dans l'imagination de cet homme ?
David Clavel a donné vie à cette femme en divisant l'espace scénique en deux espaces, deux solitudes qui cohabitent sans jamais s'atteindre.
Elle, dans le concret, dans la vie, qui bouge, dort, téléphone, parle, sort pour rejoindre un homme. Une vie comme exagérée par la sonorisation de son espace, qui permet d'entendre tous les petits bruits de son quotidien et de la rendre présente malgré les voiles qui couvrent les fenêtres de son appartements, nous en donnant une vision floutée. On comprend rapidement que cette vision est celle résultant du voyeurisme de l'homme, qui observe, en pensée, la femme depuis la rue.
Lui, est dans le théâtre, avec l'imagination et la parole comme seul lien tangible au monde. Il est tiraillé entre désir et réalité, tel un enfant qui se heurterait à l'injustice du monde et trouve refuge dans les rêves et les discours pour s'approprier une vie qui lui échappe. Il use et abuse de ces deux moyens, dissertant sur le monde, l'absurdité de la vie, avec beaucoup de tendresse et de justesse, sans qu'on sache vraiment ce qui relève du récit journalistique ou onirique.
Evguéni Grichkovets ne brille pas par la beauté technique de sa prose (on se demande à certains moment si David Clavel, qui incarne l'homme, n'improvise simplement pas son texte), mais celle-ci nous surprend par sa grande pudeur et la grande sensibilité dont elle fait preuve pour parler de choses intimes et universelles. Il s'en dégage une poésie désabusée et tendre, pleine pourtant de l'espoir de la rencontre, à l'image de l'âme russe faite d'irrationnelles contradictions et d'un sens léché du beau et de l'absurde.
David Clavel est juste et émouvant, révélant la personne derrière le personnage et emmenant le spectateur dans le voyage intérieur de cet homme. Marie Hélène Roig, en peu de mots et de gestes, donne vie avec beaucoup de talent à une femme bien distincte, avec une passé, un présent, des habitudes, des doutes, un caractère.
La mise en scène de David Clavel donne beaucoup de profondeur à un texte bien plus complexe qu'il n'y paraît. Il en résulte une pièce pleine de grâce entre rêve et réalité et finalement porteuse d'espoir. |