Réalisé par James Wan. Etats-Unis. Horreur/Epouvante. Durée : 1h42. (Sortie le 15 juin 2011). Avec Rose Byrns, Patrick Wilson, Barbara Hershey et Lin Shaye.
Parfois il faut savoir quitter ses terrains cinématographiques favoris. Abandonner pour le temps de quelques bobines les descendants appliqués ou déjantés du cinéma art et essai pour s’aventurer sur des terrains incertains dont on ignore totalement la topographie.
Quoi de mieux, alors, qu’un film dit "d’horreur", concocté par un duo australien qui depuis quelques années a renouvelé le genre sanguinolent avec "Saw" ? Quoi de mieux qu’un film au titre peu engageant comme "Insidious" ?
Quand on a l’habitude confortable des Reines des pommes qui vivent au Ranch, il faut vraiment se forcer pour pénétrer dans une maison où les problèmes existentiels des trentenaires postmodernes ne sont pas au programme.
Ici on va découvrir un monde parallèle, avec des secrets terribles derrière les portes, des diables dans les recoins et des exorcismes qui déchaînent des cataclysmes d’hémoglobine.
Pour une petite nature rationnelle qui préfère les plans séquences à un cinéma qui peut dégénérer en clips tourbillonnants d’effets coups de poings, "Insidious" sera certainement une épreuve éprouvante au pays de l’épouvante épouvantable.
On ne récusera donc aucun pléonasme quand on verra, ou que l’on croira voir, le démon fourchu et ailé surgir pour s’emparer des humains.
Tétanisé par la pétoche, il faudra être sorti plus blême qu’indemne de ce "train fantôme" cinématographique pour en dire quelque chose d’articulé ou, encore mieux, de sensé.
Quand on aura repris ses esprits sur les esprits du film, on conviendra qu’on vient d’assister à une œuvre de qualité, à une synthèse impressionnante des films d’horreur d’hier, disons à la Carpenter ou à la Romero, et les films gore d’aujourd’hui.
Pour cela, le réalisateur James Wan et son scénariste Leigh Whannell n’ont pas joué l’horreur pour l’horreur. Ils ont construit pas à pas leur histoire sur un suspense allant crescendo jusqu’à l’explosion d’épouvante finale. Ils ont créé des personnages consistants qui n’ont rien des ectoplasmes qu’ils risquent de devenir. Ils ont nourri leur récit dans une ambiance qui n’est pas sans évoquer Lovecraft.
En un mot, "Insidious" est un film pensé. Pas sûr que les amateurs d’un genre qui se contente souvent d’accumuler les scènes de pur sadisme, de nager dans l’accumulation de violences gratuites, y trouvent leur compte.
Que les initiateurs de "Saw", dérive du cinéma fantastique vers un grand-guignol extrémiste, reviennent à une forme plus apaisée, plus proche d’une terreur plus traditionnelle, devraient leur permettre de toucher un autre public et de parvenir à une nouvelle maturité cinématographique.
Pas forcément plus rassurés, mais conscients que James Wan est un cinéaste à suivre, les curieux qui seront allés trembler devant "Insidious" devraient avoir, à l’avenir, envie de lui confier l’exclusivité de leur frousse... |