Si toutes les veuves pouvaient être jeunes, jolies et joyeuses, le repos des âmes des guerriers serait peut-être plus troublé, animé de fièvre et de désir. L'image résume ce que l'on peut penser du troisième album des américains de Young Widows – qui aurait choisi d'orienter sa caméra non pas sur la seconde vie délurée des épousées esseulées, mais sur les tourments de leurs défunts maris. Chape de plomb et brumes infernales à l'avenant.
Le trio de Louisville agrandit son territoire hors du seul post-noise furieux pour atteindre avec ce In and Out of Youth and Lightness à un authentique sommet de nuances et de richesse. L'ambiance n'est évidemment pas au plus gai sur l'album lui-même ; il semble même toujours que quelqu'un vienne de mourir ou s'y apprête ; mais l'auditeur, lui, risque une jubilation permanente.
L'album s'ouvre sur cinq minutes d'apesanteur contrariée par les frappes souterraines d'une basse dont la lourdeur admirable hantera tout l'album. Pour un peu, on se croirait assister à la neuvième heure, hallucinée, de jam session réunissant les membres d'Interpol et ceux de Black Heart Procession. Mais tout ce que ce Young Rivers pouvait encore avoir d'aérien cède soudain aux forces d'attraction sombres qui seront le cœur véritable de cette cuvée 2011. "Future Heart", première déflagration. Désordonnée, effrénée, étouffante : puissante.
L'ensemble du disque sera parsemé de ce type d'explosions – à ce détail près : il s'agira bien souvent d'explosions lentes. Young Widows cultive en effet avec cet album la science d'une beauté qui va vite, lentement, que n'ont su atteindre en rock que les plus grandes formations. C'est superbe, tendu, maîtrisé, inventif, juste, jamais auto-satisfait et toujours de bon goût, tout simplement.
Un album de référence, haut la main, qui confirme encore tout le bien que l'on pense déjà du catalogue de l'écurie Temporary Residence. |