Les fidèles des thrillers de Karin Slaughter ou ceux qui auront lu son avant-dernier opus "Hors d'atteinte" retrouveront dans "Irréparable" sa marque de fabrique qui tient, entre autres, à une entrée en matière dans l'horreur de manière particulièrement violente et brutale.
Une résidente d'un beau quartier huppé rentre de manière inopinée chez elle et découvre un agresseur penché, un couteau à la main, sur sa fille gisant dans un bain de sang. L'homme se retournant contre elle, s'ensuit une lutte terrible au cours de laquelle elle parvient à le tuer.
Mais il y a une double méprise : l'agresseur n'est pas le meurtrier et la victime n'est pas sa fille qui en réalité a été enlevée. La légitime défense écartant l'incrimination de la mère, démarre alors une enquête policière éclair concentrée sur trois journées qui, même si suspense, rebondissements et intrigues secondaires sont au rendez-vous, ressortit davantage au roman policier d'enquête qu'au thriller.
Compte tenu de la qualité VIP de la famille dont le patriarche est un promoteur immobilier milliardaire, cette enquête est menée par Will Trent, un bien atypique agent du Bureau d'investigation de Georgie, agence fédérale indépendante mandatée par le système judiciaire et qui chapeaute le département de police d'Atlanta, et en l'espèce, la détective locale Faith Mitchell.
Entre les deux règnent une très fraîche ambiance cordiale car la mère de la seconde qui était commandant de police a dû prendre sa retraite suite à une enquête menée par le premier, ce qui pimente l'aventure et participe du second roman, un roman psychologique de caractères qui s'écrit en parallèle de l'intrigue principale.
En effet, pour le thriller et l'intrigue principale, au demeurant bien ficelée, Karin Slaughter aborde des thématiques ultra-sensibles aux Etats-Unis qui sont celles dans lesquelles est impliquée la jeunesse, enfants et adolescents, à savoir le risque de déviance qui est une constante quel que soit le milieu même si elle se traduit de manière formelle différente, l'enlèvement à des fins sadiques et/ou pécuniaires, le viol par abus d'ascendance commis par des enseignants et la pédophilie, le tout sur toile de fond d'obsession sécuritaire.
La violence est toujours au coeur de ses préoccupations et, en l'espèce, il ne s'agit certes pas de la violence primaire, archaïque et animale des bas fonds des provinces sudistes mais la violence sociétale plus sourde et insidieuse des sociétés urbaines qui commence bien en amont de ses manifestations physiques, cause des dommages irréparables dans les consciences et brise les vies. Le titre original du roman est d'ailleurs "Fractured".
Pour le roman psychologique, elle réactive le personnage de Will Trent, déjà présent dans une de ses oeuvres, qu'elle érige en personnage principal de ce qui pourrait bien devenir un univers récurrent construit des imbrications presque déterministes avec d'autres parcours de vie et, pour le moins introduit un fameux duo d'enquêteurs. Là encore, elle tisse sa toile avec méthode et sagacité.
L'ensemble est rondement mené et l'addiction certaine même s'il n'y a pas vraiment de happy end. Ce qui est cassé est cassé et il faut avoir simplement la force de continuer car la résilience est à ce prix. |