Anthony Reynolds, bien connu dans les colonnes de Froggy's Delight, n'en est pas à sa première biographie. Depuis la fin de Jack, groupe culte dont il fut le leader, Reynolds se consacre autant à la musique, en solo ou autour de projets comme les concerts qu'il a donnés autour des musiques de Syd Barrett et à l'écriture.
Ainsi il a sorti notamment une superbe biographie des Walker Brothers, non traduite en français mais qu'il est fort conseillé de se procurer, non seulement si vous êtes fan de Scott Walker et ses frangins mais aussi parce que l'écriture de cette biographie est des plus agréables.
Mais c'est la biographie, récemment sortie de Leonard Cohen qui nous intéresse aujourd'hui puisqu'elle a eu la chance (mais en est-ce vraiment une ?) d'être traduite en français et donc plus accessible au commun des mortels francophones peu habiles avec la langue de nos amis d'outre-Manche pour pouvoir en faire une lecture assidue.
Tout d'abord, il faut obligatoirement réglé le problème de l'édition française. Certes, cela permet de lire un livre que jamais nous n'aurions même tenté de lire en anglais pour la plupart d'entre nous. Mais est-ce que le geste justifie de faire n'importe quoi ? Car cette traduction, ainsi d'ailleurs que l'édition en elle-même sont des catastrophes et il faut déployer d'incalculables efforts pour ne pas arrêter la lecture au bout de quelques pages tant l'ensemble est lourd, ressemblant à une traduction automatique et surtout jamais relue avant d'être imprimée.
On croise ainsi des énormités comme par exemple des noms de groupes anglosaxons traduits, des noms propres mal orthographiés (comme par exemple "Marvin Gay"), des chiffres erronés, des prénoms qui changent selon les pages pour désigner pourtant la même personne, des lourdeurs de traductions à tout bout de champ, des fautes d'orthographes et de mise en page... bref, une horreur.
Si toutefois vous relevez le défi, c'est-à-dire passer outre cette lourdeur, mais aussi lire entre les lignes pour remettre en ordre ce qui parait inexact (notamment en termes de dates et de chiffres) alors dans ce cas, cette biographie peut s'avérer digne d'intérêt. Peut-être que pour qui est fan ultime de Cohen en revanche, il n'y a pas d'autre solution que de faire l'impasse sur cet énième bouquin à son sujet. Pour les autres qui, comme moi, aiment bien la musique du canadien, sans jamais avoir voulu chercher à en savoir plus qu'au travers de quelques rares interviews, il y a largement matière à découvrir un peu la vie de ce drôle de moine poête, depuis l'après-guerre (la seconde) jusqu'à aujourd'hui.
Néanmoins, si l'aspect documentaire est bien évidemment présent dans ce livre, et en assure même la trame puisqu'il s'agit avant tout d'une biographie, cette Vie Remarquable se lit avant tout comme un roman dans lequel on suit avec plaisir et curiosité l'histoire incroyable de ce petit gars de Montréal qui, plutôt que de reprendre l'entreprise familiale, décida un beau jour de son adolescence d'écrire des poèmes.
L'intérêt de cette biographie est de nous faire plonger dans le quotidien de Cohen, avec quelques anecdotes rassemblées pour en faire une histoire quasi romanesque plutôt que d'en détailler les contours. Alors bien évidemment, tout n'est pas passionnant de façon égale. Peut-être même que certains passages tiennent plus de la légende ou du fantasme de l'auteur que de la réalité, mais l'ensemble est très plaisant à découvrir et on se prend à ressentir un certain suspens tout au long de ces "aventures". Est-ce que finalement tout va bien se passer avec Spector ? Ce producteur excentrique ne va-t-il pas finir par tirer sur quelqu'un ? Cohen récupèrera-t-il un jour ses droits sur quelques une de ses chansons de jeune auteur ("Suzanne" notamment) ? Qu'en sera-t-il de ses amours à Hydra, et à New-York, et ailleurs ? On a envie de savoir quelle marque de vin il buvait avant ses concerts, savoir comment était décoré l'intérieur de sa maison d'Hydra et à quel point il s'est vraiment fait rouler dans la farine et ruiné par son agent. On se demande sur quoi va aboutir l'enregistrement de tel ou tel autre album, raconté par le quotidien, comme un journal intime parfois.
Au final, on ressort toute la discothèque de Cohen pour associer à chaque chapitre, chaque anecdote, un son, une chanson, tout un album et ainsi s'imprégner de l'époque et mieux comprendre, en tout cas écouter différemment, ce qui n'était jusqu'à présent que de belles chansons.
Au final, cette biographie de Cohen est à prendre plus comme un récit romancé que comme une compilation documentaire sur la vie de ce pimpant septuagénaire. Mais quoi qu'il en soit, si vous en avez la possibilité, faites-le avec la version anglaise de l'édition, car malgré la bonne volonté de l'éditeur de sortir un tel livre en français (et on les remercie pour le geste), tout n'est pas pardonnable et il est évidemment que l'ensemble a été pris à la légère car même une simple relecture attentive aurait sans doute permis d'éliminer pratiquement la totalité des erreurs. |