Une anecdote raconte que Steve Noonan (compagnon de route et de scène de Tim Buckey et Jackson Browne) dut un jour, ne pouvant plus se retenir davantage, uriner sur un arbre et justifia son acte par un simple "If dogs can do it, folk singers too".
Ainsi Seasick Steve nous pisse un nouvel album à la gueule avec une photo de chien sur la pochette. Et tout cela est finalement parfaitement logique. Pour compléter ce cercle infernal, je viens de regarder une vidéo d'un chien conduisant une voiture. Et il émane de tout cela (l'anecdote sur le pipi, le titre et la pochette de l'album, la vidéo du chien) un certain sentiment de sécurité. Tout est brillamment évident, tout est connecté de manière invisible et parfaite. C'est en tout cas une des façons de voir l'existence. Dans un monde ainsi organisé, les choses ne sont donc pas appelées à énormément de changement (ou du moins, pas de manière radicale). On peut trouver cela ennuyeux ou réconfortant : certaines personnes détestent réellement les surprises et semblent trouver une sorte de confort zen au sein d'un univers imperméable à toutes perturbations. L'ennui devient alors une part fondamentale de votre vie, tellement intégré et omniprésent qu'il ne ressemble même plus vraiment à de l'ennui mais devient la base même de votre existence. C'est en tout cas comme ça que j'imaginais la vie de ma professeur de latin de cinquième.
Ma prof de latin de cinquième aurait adoré le nouvel album de Seasick Steve (à supposer qu'elle aime le blues mais pour les besoins de la narration, nous tenterons de souscrire aveuglement à cette hypothèse, bien que cette dame fut de tout évidence une fan de Dead Can Dance comme en attestait son look post-gothique sur le retour, trahissant le mal-être typique de tous les fans de ce groupe de merde qu'est Dead Can Dance).
Ma prof de latin aurait adoré ce disque parce qu'il ne change rien. Il ne diffère pas vraiment du premier album et n'est en soit extrêmement original. C'est le genre de disque qu'il est impossible de détester parce qu'il ne dérange en rien. Il y a même une très bonne chanson dessus ("Underneath The Blue Cloudless Sky") et plein d'autres assez anecdotiques mais agréables. Comme c'est un disque de blues, il y a une chanson extrêmement chiante ("Whiskey Ballad") et d'autres qui donnent envie de se bourrer la gueule et de se battre. Bien qu'il respecte les codes du genre (soit parler de tracteur, et répéter qu'il faut toujours écouter sa maman), Seasick Steve intègre au disque son sens du groove rouillé et empêche l'ensemble de se transformer en hommage inutile et rébarbatif.
Au final, ce disque reste un disque de blues, ce qui veut donc dire que je vais sans doute l'écouter deux fois entièrement, le réécouter d'ici six mois pendant un trajet en voiture particulièrement pénible, oublier jusqu'à son existence et le retrouver cinq ans plus tard dans le lecteur cd de mes grands-parents. Et c'est rassurant de voir que la planète a beau se réchauffer de manière inquiétante, certaines choses ne changeront jamais.
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