Avant même de rentrer sur le périphérique de Caen, on aperçoit les panneaux qui indiquent le site de Beauregard. Pas de problème d'orientation, tout est en place pour accueillir les milliers de spectateurs qui vont venir assister aux trois jours de rock.
On arrive malheureusement un peu tard pour assister au concert de Pop The Fish qui a l'honneur d'ouvrir le festival sur la grande scène. Déjà vu l'année dernière à Beauregard, on entend de loin des chansons certainement extraites de son nouvel album "paléolitiquement correct", des chansons marabout - bout de ficelle, mais dont on ne peut honnêtement rendre compte en ayant assisté qu'à la toute fin du concert. Cependant, tout cela a l'air sympathique, et le public (encore peu nombreux) applaudit chaleureusement l'enfant du pays.
Direction la scène 2 pour assister au concert de Phyltre, groupe avignonnais, révélation du festival "Les déferlantes" à Argelès, qui propose un rock français décomplexé, jeune et dansant.
On pense en premier lieu aux BB Brunes, en largement moins antipathique. Petit à petit, on se laisse séduire par l'énergie du groupe, les synthés vintage, les paroles amusantes et le côté gentiment impertinent des quatre gars du sud.
En fin de concert, leur reprise du Mia de IAM montre encore une fois l'esprit potache du groupe.
Avant de partir, ils saluent ce public normand "rigolo", et promettent de revenir jouer dans la région.
En tout cas, pour les spectateurs, le festival commence bien.
Il est 19h, il fait encore plein soleil, et sur la scène 1 rentre la première tête d'affiche, Gaëtan Roussel. Les premiers rangs commencent à être bien denses pour accueillir l'ancien chanteur de Louise Attaque. On sent le type qui a l'habitude de la scène. Son groupe est carré, les chansons s'enchaînent sans temps mort. Gaëtan Roussel chauffe le public. Très vite, il se lache sur un "Help yourself" étiré sur près de 10 minutes, durant lequel sa choriste Nathalie s'empare d'un saxo baryton, et se lance dans des envolées free jazz diablement efficaces. Il terminera avec une reprise des Talking Heads, "Psychokiller". Gaëtan Roussel a donc saisi à bras-le-corps le public de Beauregard avec un concert rock, efficace et enthousiaste.
À peine le temps de se rendre jusqu'à la petite scène, que Katerine fait son apparition dans une version moitié camping pour le haut, moitié Michou pour le bas. Il arbore la moustache, la casquette style tour de france et le même t-shirt que sur la pochette de son album, mais  porte des collants avec une jambe rose et une jambe grise ainsi qu'une jupette en skaï blanc. Trois musiciens en shorts jeans l'accompagnent, ainsi que quatre danseuses choristes en tenues de foot multicolores. Il commence avec "Bonjour" de Huitième ciel, mais toutes les chansons suivantes seront extraites de ses deux derniers albums.
Il est amusant de constater que ce sont sur les chansons les moins politiquement correctes de son dernier album qu'il centrera son spectacle : "Juifs Arabes", "Morts-vivants", "Paris vélib'" ou "J'aime tes fesses". Mais c'est surtout "Liberté" (ou comment dire en 5 mots ce que tout le monde pense de l'état de la Nation après le passage des pieds nickelés Raffarin, de Villepin et Sarko) et les extraits de "Robots après tout" qui rencontrent le plus de succès.
Durant "La banane", il se fera bien entendu bombarder du fruit susnommé, mais aussi de divers autres légumes, et réussira même une belle reprise de volée avec une carotte. En rappel, "Louxor, j'adore" finira de foutre le feu. Avec Katerine, on hésite entre le concert, la performance et la fête au village, mais pour que ça fonctionne il faut bien voir que tout cela est parfaitement maîtrisé. C'était surtout très amusant de voir des mecs en t-shirt Motörhead côtoyer des familles avec de jeunes gamins sur les épaules, et tout le monde de s'amuser ensemble. Philippe Katerine sort suffisamment des normes pour fédérer des publics très variés.
Kasabian était quasi bien, au moins assez bien pour aller faire la queue à la buvette pour commander une bière. Le chanteur Tom Meighan a une bonne tête de briton, en clone de Liam Gallagher. Leur musique pourrait être accrocheuse si Oasis, The Verve et toute la vague britpop n'avaient pas déjà défriché le terrain. Même leur reprise du thème de "Misirlou", extrait de la BO de Pulp fiction, tombe à l'eau. Kasabian joue un peu le rôle du groupe de remplissage dans la grille du festival. Pas désagréable, mais dispensable.
C'est aussi le moment où le technicien qui s'occupe des deux écrans autour de la scène semble découvrir le matériel, superposant les images, les découpant en quatre ou en huit, les faisant défiler. De quoi faire mal au crâne. En tout cas, c'était la bonne occasion d'arriver en avance pour dEUS et de se coincer contre la barrière au premier rang.
Tom Barman et sa bande rentrent sur scène, et très rapidement ça tangue dans les premiers rangs. Ambiance virile, mon voisin éclate l'arcade du type à côté de lui et se fait jeter par les videurs. En tout cas, pas de quoi faire retomber la pression. Ça saute, ça se bouscule, ça chante, le public est bien chaud. Malgré les guitares très en avant, dEUS distille dans l'air ses ambiances désabusées. Entre les chansons de l'album qui devrait sortir en septembre Keep you close, on reconnaît "Theme from Turnpike" et "Instant Street". En dernier morceau, devant un parterre qui s'est lentement vidé des spectateurs souhaitant se rapprocher de la grande scène où Motörhead va bientôt commencer, les belges d'Anvers interprètent "Suds and Soda". Le public qui est resté est définitivement séduit.
Autant le dire tout de suite, Motörhead ne fait pas partie des groupes sur cette affiche de Beauregard pour lesquels j'aurais spécifiquement fait le déplacement, mais c'était néanmoins une occasion à ne pas manquer de les voir. Je ne suis pas fan de leur musique, mais parce que Lemmy a partagé un squat à Londres avec Chrissie Hynde, parce qu'il a joué avec les Ramones, parce qu'il a participé à Ringolevio de Little Bob Story, parce qu'il joue dans The Head Cat avec Slim Jim Phantom, et parce qu'il n'est pas le genre de mec à faire des concessions au directeur artistique d'un quelconque label, j'ai beaucoup de respect pour lui.
Le groupe venait vendre son dernier album The world is yours, dont le titre, entre quelques têtes de morts, était écrit en gros caractères gothiques derrière le groupe. Le rouleau compresseur Motörhead était en route, la voix de Lemmy rocailleuse et les guitares saturées. A part "Overkill" et "Ace of spades", je n'ai rien reconnu du répertoire de rock'n'fuckin'roll interprété par les heavy metalleux. Cependant, Mikkey Dee à la batterie m'a rappelé ce dialogue du film The Commitments d'Alan Parker : "C'est quoi tes influences ? / le batteur fou des muppets show".
Pendant tout le concert, et en particulier pendant le solo, il frappe ses fûts comme un bûcheron, levant les deux bras au-dessus de sa tête avant de les faire retomber puissamment sur son instrument, ses longs cheveux s'agitant dans tous les sens. Quant au technicien à la vidéo, il a trouvé l'effet "flammes de l'enfer" dont il décore tous les plans de Motörhead. Il a dû confondre avec un concert de Johnny.
Après le hard et le lourd de Motörhead, rendez-vous avec les mous et inexistants Two Door Cinema Club. Un groupe exaspérant dont le tube est diffusé en boucle dans la pub pour une banque devrait être envoyé jouer devant les "insurgés" espagnols, grecs ou portugais pour qu'on voit quel sort ils leur réservent. Au moins, depuis un an qu'ils égrènent leurs mêmes ritournelles énervantes partout en Europe et ailleurs, ils ont appris à se tenir sur une scène. De l'énergie certes, mais au service du grand rien. Pour chasser le gaspi, on pourrait commencer par débrancher leurs guitares. Ce serait en plus une opération de salut public.
Il y a déjà longtemps qu'on a laissé les Two Door Cinema Club devant leur public pour se rapprocher de la grande scène quand les Birdy Nam Nam prennent enfin position derrière leurs platines et tables de mixages. Par rapport à l'album précedent, les BPM ont ralenti. Le set des quatre DJ commence par "Abbesses", morceau phare des parisiens. Les morceaux se suivent sur le mode ambient, hypnotique, doux (parfois trop). Les lumières rouges et les effets psychédéliques habillent élégamment la musique.
Voyage dans le temps, on a parfois l'impression de retrouver des ambiances de groupes de la "Yellow Productions". Les quatre musiciens impressionnent par leur synchronisation et l'écoute qu'ils ont les uns des autres. Sur les nouveaux morceaux, l'influence Kraftwerk pour les voix métalliques et les sonorités froides se fait sentir. Puis dans la seconde partie du set, les montées en puissance des basses font leur effet, enfin le public et le groupe fusionnent dans le rythme. Le château de Beauregard s'illumine sur le tempo imposé par Birdy Nam Nam. Le set des quatre scratcheurs semble avoir mis un peu de temps avant de véritablement se mettre en route, mais la conclusion est grandiose.
Il est 3h du matin, toute la journée les bénévoles ont fait un travail extraordinaire pour garder le site agréable, pour servir toujours, avec le sourire, des bières derrière les comptoirs, et en général pour que tout se passe bien. Direction le parking (un peu loin lorsqu'on n'a pas la chance d'avoir d'accréditation), ou les navettes pour Caen et pour le camping. Avec une affluence de plus de 15.000 spectateurs, tout s'est parfaitement déroulé en ce premier jour de festival. Il est temps d'aller se reposer car rendez-vous est pris pour une seconde journée de rock dès le lendemain après-midi. |