A chaque rentrée littéraire, les journalistes culturels plus spécifiquement attachés aux livres cherchent avidement dans la catégorie "premier roman" la jeune pousse qui assurera la relève des génies littéraires des siècles passés ce qui entraîne souvent des engouements qui ne passent guère le cap du premier opus.
Pour 2011, Marien Defalvard, jeune brun ténébreux de 19 ans à l'allure néo-romantique et au prénom ambigu, semble déjà émerger avec "Du temps qu'on existait" s'inscrivant sur la liste des prétendants au titre, le coup d'envoi ayant été donné par Jérôme Garcin qui loue "une prose somptueuse et maniérée" et "un gâteau trop riche d'où déborde un talent fou, crémeux, irrépressible".
Fort de près de 400 pages, ce roman, qui initialement en aurait compté plus de mille si Charles Dantzig, lui-même écrivain, éditeur chez Grasset, n'était venu tempérer l'ardeur de la fougue plumitive d'un jeune auteur qui connaît ses classiques, est celui des divagations rétrospectives d'un narrateur,
fils d'une bonne famille de la grande bourgeoisie, venu trop tard dans un monde trop vieux (1er indice), atteint d'une irrépressible mélancolie qu'il traîne le long de ses pérégrinations géographico-touristiques hexagonales.
A quatorze ans, encore dans une période d'enfance heureuse dans un milieu aisé et privilégié passée dans la propriété de Sacierges (2ème indice), le narrateur se trouve confronté, par la mort de l'autre, à l'existence de la mort et donc à la finitude de la vie et de la sienne en particulier, ce dont il ne se relèvera pas : "Quand j'ai compris que j'allais, moi aussi, participer comme tout le monde à la grande histoire du roman de la mort, les mousquetons ont lâché, j'ai été projeté dans le vide".
Rien, pas même l'amour ("J'avais cru que l'amour serait une comptine régulière, entêtante, sirupeuse, qu'on ne se lasserait jamais d'écouter... c'est devenu une rengaine... qui tourne en rond") ne peut le distraire d'un processus inexorable de déréliction qui le plonge autant dans l'ennui ("Eros était un peu mieux que la moyenne des jours ; rien à voir avec les folies que je connaissais pourtant, plus vagueux mais limpide, funambule au milieu de l'ennui, de l'inévitable ennui" 3ème indice) que le dégoût et la misanthropie ("Je trouvais que les gens étaient de plus en plus bêtes, les années de plus en plus caduques, et j'étais parmi ça comme un dinosaure maussade").
Et puis parfois, de relatives apaisantes bulles mnésiques
("Où il ne reste plus, à l'instant mourant du soleil, dans votre lit sans plus d'envie, sans plus d'énergie, que le passé, embelli par la laideur du présent, par la force du temps, par la splendeur du souvenir" re-1er indice).
Marien Defalvard raconte
l'itinéraire d'une vie vaine marquée par le vide, un aquabonisme stérile favorisé par une oisiveté induite par l'absence de contraintes matérielles et l'absence de tout affect autre que l'auto-contemplation complaisante
("T
toute ma vie, j'ai traversé des paysages intérieurs") qui ne parviennent pas à capter l'attention du lecteur sur la longueur. Il y manque de la chair et du sang, de l'incarnation. Difficile de raconter la vie quand on a soi-même rien vécu encore.
Certes, il a le style foisonnant mais, du mal du siècle du page éternel à la madeleine proustienne en passant par le speen baudelairien, il creuse de manière patente dans un sillon trop étroit et trop balisé. |