Réalisé
par Fred Soupa. France. Documentaire. Durée : 56 minutes (Sortie le 28 septembre 2011).
C’est une terrible banalité d’affirmer d’emblée que "Nos Plusieurs" n’a pas la prétention de révolutionner l’art du documentaire. Ici, pas question de s’intéresser à la forme. Et puis, d’ailleurs, on est si vite pris par le sujet traité par Fred Soupa qu’on ne se hasardera pas à un commentaire formel.
Car l’expérience roborative qu’on va partager pendant moins d’une heure est au-delà des critères esthétiques. Ici, il est question du meilleur de l’humain. Et, pour cela, on va passer par la poésie, par le plus grand récit épique jamais écrit : le Mahâbhârata.
Mais pour compliquer les choses, ce texte indien qui est loin de faire sens pour des esprits occidentaux moyens sera joué par une dizaine de jeunes autistes !
A priori, l’entreprise de Vincianne Ragattieri suscite d’énormes appréhensions : en faisant jouer Ganesh, Krishna, Arjuna, Karna par des autistes, ne va-t-on pas s’embourber dans une entreprise prétentieuse, à la limite du voyeurisme, dans laquelle des comédiens professionnels vont suppléer les carences inévitables de leurs jeunes partenaires ?
La réponse sera claire et lapidaire : non. Au contraire, en suivant les répétitions du Mahâbhârata, on découvre de vrais acteurs en plein travail, pas des malades dont le théâtre serait une simple thérapie. Parmi eux, on découvrira d’ailleurs d’authentiques comédiens issus du 'Théâtre de Cristal', troupe permanente de 'comédiens en situation de handicap'.
'Nos Plusieurs' raconte comment la pièce prend forme peu à peu et comment ses acteurs, expérimentés ou pas, s’approprient les rôles, les vivent et les font vivre. Jamais Soupa ne s’attarde sur les possibles ratés suscités par une telle entreprise. Il ne les cache pas non plus.
Regard sur l’autre, "Nos Plusieurs" ne se permet pas d’avoir un regard autre sur l’autre. C’est cette justesse de ton, sans aucune tentation compassionnelle, qui lui permet de mettre en communication le spectateur avec la souffrance de l’incommunication.
C’est une idée vraiment juste d’essayer de saisir les autistes au moment où ils parviennent à s’extraire d’un peu de leur monde fermé. Qu’ils y réussissent ou non importe peu, ce qui compte c’est qu’ils puissent faire voir ce qu’ils tentent de faire. En espérant que les autres, ceux qui verront "Nos Plusieurs", trouveront à leur tour la manière de rendre avec le même courage et la même envie le don que ces jeunes gens leur auront fait.
Humains, soyez humains. C’est ce que dit tout simplement "Nos Plusieurs". |