Réalisé
par Frederick Wiseman. France/Etats Unis. Documentaire. Durée : 2h14 (Sortie le 5 octobre 2011).
Il y a quelques mois, avec "Boxing Gym", Frederick Wiseman nous avait enchantés en faisant vivre une salle de boxe et en nous transmettant la flamme qui habitait tous ceux qui venaient y puiser courage et énergie.
Le voilà, aujourd’hui, face à un tout autre univers : celui des danseuses du Crazy Horse. Évidemment, même si l’exercice imposé aux jeunes pensionnaires de l’avenue George V est aussi propice à la sueur et aux larmes, Frederick Wiseman le filme avec un autre rythme, un autre regard, aussi indolent que concupiscent.
C’est là le seul reproche que l’on fera à notre documentariste d’exception : ne pas avoir forcément le regard juste sur ces beaux morceaux de chair, mis en valeur par l’exceptionnel jeu de lumières qui est la marque de fabrique du Crazy Horse.
Reste un bon tour d’horizon de cette ruche où s’activent en coulisse des myriades d’abeilles au service d’un spectacle bien plus esthétique que sensuel. L’intérêt principal du film est ailleurs et Wiseman ne s’y trompe pas : il suit de A à Z la tentative du célèbre chorégraphe Philippe Découflé d’imposer son style si personnel à la vieille maison fondée et codifiée jusqu’au fanatisme par Alain Bernardin.
Comment Découflé, créateur moderne et imprévisible, peut-il rénover un show aux rituels immuables, comme la fameuse parade des filles en "Horse Guards" ? N’était-ce pas un défi trop insurmontable, la métaphore du metteur en scène face à une production toute puissante ?
En contrepoint de la personnalité de Philippe Découflé, bricoleur sympathique confiant dans son imaginaire, on découvrira celle d’Ali Mahdavi, sorte de vestale lagerfeldienne dévouée corps et crâne rasé au classicisme de la boîte parisienne.
Perdu dans sa contemplation des belles danseuses - tellement parfaites qu’elles sont à la limite de n’être plus sexys - Frederick Wiseman filme peut-être de manière allusive cet affrontement feutré entre Découflé et Mahdavi. Mais finalement, il trouve comme cela sans doute la bonne distance pour rendre compte de toute la pensée qui agite ce temple de la futilité. Pas du grand Wiseman donc, mais du Wiseman à voir malgré tout. |