Je me souviens de cette période où je commençais ma thèse sur Sparklehorse. Ma directrice de thèse était la tante Ursule : pas commode la femme, j’en ai bavé. Tout ce qu’elle m’imposait d’écouter pour maîtriser mon sujet. D’abord Mercury Rev, surtout ses premiers albums. Ensuite l’intégrale de Vic Chesnutt, dont le pessimisme radical ferait passer la philosophie de Schopenhauer pour un intermède musical. "Si tu veux réussir ta soutenance, il faudra que tu bosses la métaphysique de la mort chez Chesnutt", me disait-elle.
Je me suis sali les doigts à l’école du rock, et tante Ursule n’a fait que mettre de l’huile là où était déjà le feu (à moins que ce ne fût le contraire). Actuellement, je prépare ma quinzième année de thèse : programme de ces prochains mois, le divin label Constellation – ce label indépendant de Montréal connu pour sa distribution au mouvement post-rock.
L’album du groupe canadien Siskiyou, produit par ce label, entretient des résonnances évidentes avec la musique de Mark Linkous, sans la fêlure : ce dépouillement, ce folk austère, cette mélancolie. Cette façon de faire passer la sécheresse pour une source vitale, où l’eau ne manque pas. Bonne surprise donc que ce court album, sans afféteries, calme mais profond. On ne retrouve peut-être pas le génie de Sparklehorse, mais cette absence d’excès de passion nous repose, en attendant un alcool plus fort (mais qui aura le courage de me le proposer, cet alcool tant attendu ?).
Aujourd’hui, j’ai un peu tendance à me disperser, la tante Ursule ayant disparu, cette pauvre folle ; d’aucuns disent qu’elle s’est suicidée. Du coup, je peine à trouver cet élan générateur qu’elle-seule pouvait m’insuffler. Je crois que je vais soutenir ma thèse, meilleure façon de lui rendre hommage. |