Il y a des albums qui nécessitent du temps, des écoutes successives, des périodes de repos au coin du buffet, puis un retour sur la platine pour se bonifier. Mais, à l’opposé, il y a forcément des albums pour lesquels rien n’y fait… Sorti depuis quelques mois déjà, Go-go boots de Drive-By Truckers a ainsi voyagé dans mon appartement avant de me plonger dans le sud de l’Amérique, là où mon imagination rencontre des images d’Epinal.
Drive-By Truckers n’est pas un petit nouveau. Mike Colley et Patterson Hood, les co-fondateurs, prodiguent un mélange consistant de rock sudiste et de country sans dévier d’un mile depuis leurs débuts en 1996. Et depuis un premier disque deux ans plus tard, le sextet aux 3 guitares (dans une respectueuse continuité d’un Eagles ou Lynyd Skynyrd) a enchainé les enregistrements jusqu’à ce neuvième album studio, Go-go boots. Comme une évidence pour tout combo de cette longévité et de cette origine géographique qu’il se doit, s’ajoutent évidemment deux lives dont un nécessairement à Austin.
L’album s’ouvre sur "I do believe", guitares en avant, le rock se teinte de pop. Pas d’embellissements inutiles, on s’attache à l’essentiel. Le ton est donné et c’est du solide. On oublie les fioritures, les décorations superflues, le papier peint fleuri et le vase sur la table. S’ensuit le titre éponyme de l’album. Le son du slide sort de loin, le rythme est lent et lancinant, la batterie a un son rugueux, le morceau sonne comme issu d’un live sur l’estrade d’un bar routier de la 66. Pas de doutes, on est bien dans l’ambiance south america.
Puis le micro change de main et pour "Dancin’ Ricky", la bassiste Shonna Tucker assure le vocal ramenant l’ensemble du côté country, pedalsteel en renfort. Sans connaitre l’anatomie de la demoiselle, la comparaison avec une Dolly Parton s’arrêtera donc là. L’overdrive est branché, le son un peu crasseux, juste ce qu’il faut. Insistant bien alors, "Cartoon Gold" ne laisse aucun doute sur la fibre country du groupe. A la limite de la parodie ou de l’hommage, il ne manque que les Hiha qui enfonceraient complètement le clou. Le banjo évidemment, le bottleneck inévitablement. Et puisque le sillon est déjà creusé, dans le même registre, on trouvera également un peu plus loin "Pulanski" et "Weakest man" où la voix lorgne vers un Johny Cash très propret, les chœurs forcément soulignants, avec quelques changements de tonalités légèrement faciles.
Et alors que "Everybody needs love", évidence qu’il est bon de rappeler de tant à autre, donne une petite chanson honnête dont l’on peut facilement s’imaginer fredonner le refrain, inespérément sur "Used to be a cop" le rythme s’accélère et se fait plus dansant, la guitare devient saccadée. Une intrusion légèrement funk et salutaire comme ont pu le faire les Stones au moment de "Miss you". On jubile presque à cette heureuse évolution mais dès la piste suivante "The fireplace poker", le rythme revient medium et l’on retombe dans une somnolente ballade mi-tempo. S’ensuit alors "Where’s Eddie" où Shonna redonne de la voix pour une ballade mièvreusement dégoulinante avec éclats légèrement surannés sur le refrain. Mais Fuck ! Il est où cet Eddie qui est la cause de cette chanson. Peut-on lancer l’alerte enlèvement rapidement ?
Finalement "Mercy Buckets" clôture l’œuvre. Le titre dans la continuité des précédents reprend LE fameux rythme mi-tempo, et tente avec une voix plaignante de remporter l’adhésion finale de l’auditeur. Seulement le problème est que l’auditeur, à l’instar d’un judicieux Eddie cité précédemment s’est peut-être déjà fait la malle, parti s’enterrer dans le désert navajo, caché derrière un cactus, ou sans doute déjà passé au Mexique.
Peut-être 14 titres est-ce un peu long. Mais a-t-on le cœur d’en vouloir à un groupe prolifique ? Le style est très marqué, la parodie n’est parfois pas loin. Hommage ou pompage ? Il est difficile de se prononcer, tant cette musique fait partie d’une culture américaine sensiblement différente de la nôtre.
Bon résumons. Plusieurs conditions sont à réunir pour une écoute et une appréciation optimum de cet album. Il faut aimer le style, le sable du désert, le soleil de plomb, les chapeaux de cowboys, les bars crasseux et surtout les ballades mi-tempo. Ça oscille entre Texas Ranger et Shérif, fais moi peur !. Du culte américain, mais peut-être un peu éloigné de nous pour en prendre la pleine mesure. En clôture du festival country/sudiste de Mirande, le succès serait assuré. Sinon, pour une écoute dans le salon, ça reste un peu compliqué. Musicalement, pas grand-chose à reprocher (ou à encenser), c’est honnête et sans aucun doute plus appréciable si l’on est né de l’autre côté de l’Atlantique.