Troublemakers revient
à la Route du Rock, où il avait présenté
son premier album "Doubts and convictions " avec "Express
Way", sorti chez le prestigieux label Blue Note.
Troublemakers signe là un deuxième
album doublé d'un DVD moyen métrage qui constitue
une véritable expérience hybride, ambitieuse et réussie.
Lionel Corsini et Arnaud
Taillefer ne sont pas des amateurs.
Quelle est la genèse de Troublemakers ?
Lionel Corsini : Nous nous sommes rencontrés
dans un atelier de samples "La Friche" de La belle de
mai. Nous avons commencé à travailler ensemble en
1998.
Au bout d'un an et demie nous avons sorti un premier
album "Doubts and convictions " sur Guidance un label
de Chicago d'un tempo trip hop que nous avons présenté
il y a 2 ans ici à la Route du Rock. Ensuite nous avons fait
Stereo pictures une compilation pour MK 2.
Notre nouvel album "Express way" est
sorti depuis 2 mois sous le label Blue Note. Le CD est doublé
d'un DVD comportant un moyen métrage d'une heure réalisé
par Arnaud et Mathias Olmeta. C'est un film de fiction sans dialogue.
Dès le départ, vous vouliez joindre
le film à l'album?
Lionel Corsini : Le film ne constitue pas un bonus
de l'album. L'écriture du scénario du film et la composition
de l'album ont été concomitantes. Certains morceaux
du disque parlent du film mais ne sont pas dans le film. Et les
morceaux qui sont dans le film sont des versions alternatives des
morceaux figurant sur le CD. La nouveauté pour cet album
est que nous avons écrit toutes les chansons ensemble tous
les deux. Nous avons aussi travaillé avec des rappeurs, un
groupe de San Francisco qui s'appelle Blackalicious.
Comment travaillez-vous ?
Arnaud Taillefer : Nous travaillons avec des samples
ou des compositions au piano. Et nous travaillons avec plein de
musiciens.
Lionel Corsini : Dans le premier album, nous avons
beaucoup samplé parce que nous n'avions bien évidemment
pas d'argent pour faire appel à des musiciens. Pour le second,
nous sommes partis de 9 compositions écrites au piano par
Arnaud. Ensuite nous enregistrons des musiciens au fur et à
mesure. C'est le même travail que le sample parce qu'après
on fait de l'édit à l'intérieur
des enregistrements et on place les choses comme on veut pour échafauder
les morceaux. On s'adresse à des musiciens qui sont tellement
inventifs et créatifs que nous partons parfois dans des directions
que l'on n'a pas choisies. Ce qui fait la nouveauté dans
cet album.
Quelle est votre culture musicale ?
Lionel Corsini : La musique afro-américaine,
soul music, funk, hip hop, house, jazz…
Arnaud Taillefer : …toute la musique black
en fait, tout ce qui est groove.
On parle beaucoup de musique cinématographique
.
Lionel Corsini : Sur ce projet là oui puisqu'Arnaud
a écrit le film et le disque. On a scénarisé
la musique. Nous avons tourné le film pendant le mixage du
disque. Et en live nous avons derrière nous un écran
géant sur lequel chaque morceau est illustré d'images
du film et d'images spéciales faites par Stéphane
le graphiste qui avait fait les premières pochettes d'IAM.
Et Fred Ladoué qui est notre vidéo jockey qui est
sur toutes les dates avec nous anime le fond de scène.
Travaillez-vous avec les groupes de Marseille
?
Lionel Corsini : Non, pas vraiment.
Arnaud Taillefer : Nous avons travaillé
avec Didier Rebel qui a été le premier DJ de hip hop
à Marseille et qui travaille avec nous.
Quel est votre processus de création ?
Avez-vous des images qui vous viennent à l'esprit?
Arnaud Taillefer : C'est plutôt inconscient.
Nous avons suivi un synopsis pour assurer une cohérence sur
la longueur du disque et respecter une atmosphère. Cela évoque
des images mais un peu comme toute écoute de musique.
Vous ne composez donc pas de la musique pour
coller à des images bien précises ?
Arnaud Taillefer : Ce peut être sur des travellings…
Lionel Corsini :…sur des cassures de rythme,
des changements d'ambiance. Il y a un morceau qui comporte 3 ambiances
différentes qui peut évoquer un montage cinématographique.
Il s'est écoulé du temps entre vos
2 albums. Est-ce volontaire ou purement conjoncturel ?
Lionel Corsini : C'est un peu les 2. Surtout nous
avons défendu le premier album pendant assez longtemps sur
scène. Nous avons mis pas mal de temps pour nous remettre
au travail et puis nous avons changé de maison de disques.
Par ailleurs, nous étions 3 au début.
Arnaud Taillefer : Et nous ne voulions pas refaire
le même disque, pour pas se répéter.
Lionel Corsini : Nous avons fait nous-mêmes
les prises de son chez nous avec du matériel que nous avons
acheté et que nous avons expérimenté. Ainsi
nous avons enregistré tout l'album avec un pré-ampli
des années 60. Nous avons repassé tous les instruments
à l'intérieur.
Vous êtes plus à l'aise avec le matériel
analogique ?
Lionel Corsini : Oui. Nous n'aimons pas trop le
numérique. Faut que ça transpire un petit peu, que
ça soit un peu crade. Jeff Sharel a respecté ce
grain très années 70 en faisant le mix. Même
sur les 3 morceaux hip hop on a voulu avoir un son hip hop des années
80.
Avez-vous eu des propositions de mise en son de
films?
Arnaud Taillefer : Oui, mais elles ne nous intéressaient
pas.
Lionel Corsini : On ne veut pas rester en vase
clos mais en même temps on n'aime pas trop partager. Ainsi
c'est Arnaud qui a fait le graphisme des deux albums. Mais nous
restons ouvert aux propositions.
Vous avez travaillé avec un label de Chicago.
Est-ce facile de s'intégrer
dans ce milieu américain ?
Et êtes-vous connu aux Etats Unis
?
Lionel Corsini : Nous sommes allés aux Etats
Unis faire une petite tournée en DJ. Cela étant il
s'agit d'un label relativement confidentiel donc nous avons vendu
peut être 6 000 disques. Avec Blue note et la collaboration
avec Blackalicious il y aura peut être plus d'opportunités.
Quant au travail avec les américains, on les a eu au téléphone
une dizaine de fois mais nous ne les avons jamais rencontrés.
Nous leur avons envoyé les instru et puis nous avons parlé
des paroles. Et ensuite Blackalicious est intervenu. Mais ce n'est
pas facile et ça a pris du temps.
Quel est l'accueil d'"Express way" en
France ?
Lionel Corsini : Nous sommes assez contents car
les critiques sont positives.
Vous avez souvent remanié l'album ?
Lionel Corsini : Non. Quand nous avons dit On s'arrête
on l'a fait. Parce que sinon, on rajoute des couches et c'est sans
fin. Nous sommes assez satisfaits du résultat.
Arnaud Taillefer : Et puis nous n'écrivons
pas beaucoup de morceaux quand on fait un album. On commence le
morceau au premier morceau et on le finit au dernier. Nous n'archivons
pas des centaines de morceaux pour choisir ensuite. Nous choisissons
le nombre de morceaux et il n'y en aura pas un de plus pas un de
moins sur le disque.
Ce soir sur scène quelle sera la formation
?
Lionel Corsini : Nous serons 7. Arnaud s'occupe
des claviers, Jean Philippe Dary le clavier qui travaille avec Tony
Allen, Magic Malik à la flûte, au chant Sandra N'Kéké,
Jeff Sharel qui s'occupe de la programmation et DJ Rebel et moi
aux platines et au micro. Il y aura des projections derrière
nous. Le live est un peu plus électro par rapport à
l'album qui est plus acoustique. Nous avons voulu faire un live
plus électro d'abord pour les musiciens parce que nous travaillons
avec des gens qui ont besoin de pouvoir éprouver leur créativité.
Pour le public aussi. Donc on fait des versions alternatives pour
le live.
Pour cela il faut une grande connivence.
Lionel Corsini : Ce sont des gens avec qui on a
travaillé sur l'album.
Arnaud Taillefer : Il faut du temps.
Lionel Corsini : Le live commence à fonctionner
depuis 2-3 dates. Il aura fallu une quinzaine de dates.
Ce n'est pas tant de l'improvisation que prendre
de l'espace.
Lionel Corsini : Oui. Et nous travaillons avec
un logiciel qui permet d'enchaîner les morceaux, les mélanger,
de changer de tempo.
La Route du Rock est votre dernière date
de l'été. Quand reprenez-vous?
Lionel Corsini : Fin septembre jusqu'à mi-décembre
et nous aurons une date importante à Paris le 27 octobre
à l'Elysée Montmartre avec des personnes qui ont joué
sur l'album et peut être des invités surprise.
Des sorties pour l'album à l'étranger?
Lionel Corsini : Oui, dans 30 pays. Pour le moment
il n'y a qu'aux Etats-Unis que ce n'est pas sorti.
Des retours ?
Lionel Corsini : Non pas encore, c'est un peu tôt.
Avez-vous envie de tourner à l'étranger?
Lionel Corsini : Oui, bien sûr.
Arnaud Taillefer : Nous avons une date de prévue
en janvier à Londres.
Votre tournée est importante en nombre
de dates compte tenu du surcroît de coût d'un visuel
?
Lionel Corsini : Oui, cela coûte plus cher
pour nous mais cela fait partie de ce que nous voulons présenter
au public. Mais c'est du tour support et ce sont des choses qui
s'amortissent sur 30 dates. C'est l'Olympic à Nantes qui
s'occupe de nous.
Avez-vous des relations avec d'autres artistes
de la scène française ?
Lionel Corsini : Jeff Sharel, Booster et tous ceux
qui ont participé à l'album.
Comment cela s'est-il passé avec Blue Note
qui est un label très formaté
électro-jazz ?
Arnaud Taillefer : Nous avons eu une liberté
totale.
Comment êtes-vous entré en contact
avec ce label ?
Arnaud Taillefer : Nous avions joué pour
dans de soirées pour des compilations qu'il avait sorti il
y 2-3 ans de rap-groove et de funk et par l'intermédiaire
de notre manager qui est aussi celui de Booster qui avait sorti
un album chez Blue Note.
Quel est l'avenir pour Troublemakers ? Avez-vous
d'autres projets d'expérimentation ?
Arnaud Taillefer : Par rapport au passé,
je ne sais pas s'il est passé. La musique est toujours à
peu près la même que ce soit avec un piano ou un ordinateur.
L'harmonie n'a pas changé depuis des siècles. L'évolution
c'est plus en termes de concept.
Plus dans l'électro ?
Arnaud Taillefer : Cela ne nous intéresse
pas trop de creuser l'électro mais plus dans la mélodie
et les atmosphères. Les expérimentations je les laisse
à Pierre Henri ou Yves Charles…
Lionel Corsini : Nous aimons bien aussi Underground
Resistance de Carl Craig, DJ Shadow. On aime bien écouter.
Mais en faire c'est autre chose.
Arnaud Taillefer : Nous c'est plus le groove et
les atmosphères que la trituration des sons par des machines.
Nous prenons plus de plaisir à faire des mélodies,
à travailler avec des orchestres.
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