Réalisé
par Arnaud Gaillard et Florent Vassault. France. Documentaire.
Durée : 1h08. (Sortie 9 novembre 2011).
Si l’on s’amusait à rassembler tous les films qui traitent de la peine de mort, on obtiendrait un ouvrage copieux qui partirait de Méliès pour aboutir à Clint Eastwood.
Évidemment, beaucoup de films sur ce sujet fort ont le désavantage d’être des thèses manichéennes, des plaidoyers plus ou moins simplistes contre cette survivance du temps de la loi du lynch et des lapidations publiques.
En général, pour se faciliter la tâche et construire un beau suspense, les scénaristes préfèrent appuyer leurs démonstrations sur des erreurs judiciaires, sur le sort d’innocents se retrouvant dans le couloir de la mort. Il faut tout le génie de Truman Capote pour permettre à Richard Brooks de faire avec "De Sang Froid" un réquisitoire contre l’exécution capitale en prenant pour exemple un crime odieux pratiqué par deux hommes sans excuses.
Dans sa catégorie, celle des documentaires se revendiquant abolitionnistes, "Honk" est une réussite sans aucune faute de goût. Ne cherchant jamais à démontrer, Arnaud Gaillard et Florent Vassault ont filmé in situ des citoyens américains concernés par la peine de mort.
Ainsi, nous voilà de nuit sur un parking où deux groupes attendent l’arrivée d’un bus de l’administration pénitentiaire. D’un côté, les parents de la victime, de l’autre, ceux de son meurtrier. Le bus va les mener ensemble assister à son exécution. D’autres portraits vont suivre et tous ces Américains, confrontés à l’impensable violence, qui nourrit pourtant les fictions télévisuelles et les discours des politiciens et des prêcheurs démagogues, vont dire leurs vérités avec une dignité respectable.
Que ce soit cette mère qui a assisté à l’exécution du meurtrier de son fils ou ce père qui a mis presque deux décennies à sauver son fils innocent de la machine de mort, tous ces braves Américains disent de belles choses. Ou les font.
À l’image de cette autre mère vivant dans un bric-à-brac frisant l’extrême pauvreté et qui le quitte pour monter dans une superbe décapotable, direction la route qui longe le pénitencier où son fils attend la mort. Et là, bien que les hauts-murs du pénitencier soient lointains et empêchent d’entendre le moindre bruit de l’extérieur, elle se met à klaxonner de "toutes ses forces". Klaxonner, ça se dit "to honk" en texan. Et c’est le seul moyen, dérisoire, symbolique, qu’ont trouvé la poignée d’opposants au meurtre légitimé par la Loi.
Quand les protagonistes de "Honk", souvent obèses, parlent, le cinéphile n’en croit pas plus ses oreilles que ses yeux : il a l’impression d’être non seulement devant des personnages de John Ford mais également devant des dialogues sortis des films du réalisateur du "Prisoner of Shark Island".
Le contraste est alors saisissant avec les discours primaires des prêcheurs justifiant la mort qui, eux aussi, semblent provenir de l’imagerie westernienne, avec leur rhétorique s’appuyant sur la Bible et le colt.
"Honk" réussit son coup grâce à ce contraste saisissant entre l’humanité des gens plongés dans le malheur et l’inhumanité d’une société dopée dans son refus de l’abolition de la peine de mort par des principes messianiques. Encore une fois, l’Amérique fait peur. D’autant plus peur, qu’elle est composée de braves gens pacifiques qui ne méritent pas d’être dirigés par une oligarchie qui les manipulent depuis toujours en leur vendant une dialectique bas de gamme fondée sur l’opposition entre le Bien et le Mal.
Pour ne pas arranger les choses, Arnaud Gaillard et Florent Vassault nous apprennent que l’injection létale, pratiquée soi-disant pour éviter la cruauté de la chaise électrique ou du peloton d’exécution, a été inventée par le médecin personnel d’Adolf Hitler...
En complément de son film, Arnaud Gaillard fait paraître aux éditions Max Milo un ouvrage, "999", sous-titré "Au cœur des couloirs de la mort". |