Le plaisir d'un personnage comme Mona Cabriole, mignonne et plutôt facile, qui se donne tour à tour à l'auteur qui en voudra bien, c'est que l'on en a jamais fini de la redécouvrir, dans des postures et positions chaque fois inédites.
On pourra ainsi revenir sur La Bourse ou la Vie, sa troisième aventure, parue il y a un peu plus de deux ans déjà, qui la renvoyait dans un deuxième arrondissement parisien où la conscience aigue d'une crise financière dont nous n'avons pas encore aujourd'hui aperçu le début du bout lui permettait, dans le même temps, d'interroger les avatars de la mondialisation. Ou tout au moins de regarder ce monde-là se fissurer autour d'elle car Mona, comme le lecteur, reste surtout dans ce roman-là spectatrice des enquêtes et aventures des autres, l'auteur exploitant cette veine riche du polar qui voit l'héroïne se trouver, simplement, là où elle n'aurait pas dû, au plus mauvais moment.
Le moment, en l'occurrence, est celui où explosent, en série, les bombes catastrophiques qui menacent de jeter à bas les fondements-mêmes d'un monde obsédé par la valeur des choses – leur valeur financière. Et le lecteur de croiser les doigts en l'attente d'un effondrement véritable, définitif – dans l'espoir d'un autre monde, plus juste, où le riche, le fort ne mépriserait, n'exploiterait plus tant son prochain ou le prochain de son prochain. Idéaliste, Mona Cabriole ? Douée d'empathie, en tout cas, pour les plus martyrs qu'elle, qui risquent de laisser leur peau dans ces combats-là.
Mention spéciale pour l'écriture de Laurence Biberfeld, particulièrement racée. Quelques années plus tôt, cette femme aurait écrit en un impeccable argot d'école, où défaitisme et gouaille irrévérencieuse se seraient disputés la place d'honneur – aujourd'hui elle cherche les mots d'un vingt-et-unième siècle déçu de lui-même, mais pas encore résigné. Pas tout à fait. Ce sera la bourse ou la vie – Mona, comme Laurence Biberfeld, a fait son choix. |